Régisseur énergique d’Anticosti depuis l’achat de l’île en décembre 1895 par Henri Menier, le Français Georges Martin-Zédé occupe toujours le même poste en 1913.
L’homme avait accompli dans l’île les volontés de Menier, matérialisé ses rêves, maintenu l’ordre d’une main de fer et appliqué les directives reçues avec une
efficacité remarquable.
Profondément imprégné d’une rigide conception de la discipline inculquée par son passage dans l’armée française (il avait été capitaine d’artillerie), il exerce
les pouvoirs d’un gestionnaire civil avec l’esprit d’un militaire.
Il manifeste une froide autorité sans partage dans l’île et une implacable sévérité : rien dans l’administration, la planification des projets et la
construction n’échappe à son contrôle.
Il dispose par ailleurs d’une grande liberté d’agir dans tous les domaines : Henri Menier lui accorde une totale confiance bien qu’il se réservât, à titre de
propriétaire et de pourvoyeur financier, d’entériner tout début d’entreprise dans son domaine privé.
Presqu’à chaque année, Martin-Zédé arrive dans l’île en mai pour y entreprendre sa « campagne » à titre de régisseur; puis, il regagnait la France
l’automne, son travail saisonnier accompli. (Un gouverneur résidant, Alfred Malouin, assume alors, en lieu et place, l’autorité unique jusqu’au printemps.)
Pendant les dix-sept ans d’efforts soutenus qu’il cumule à Anticosti en 1913, Georges Martin-Zédé planifie, supervise et accomplit les tâches indispensables
voulues par Henri Menier. Le richissime industriel lui est redevable de réalisations significatives dans son île.
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L’organisation administrative de
son domaine
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La création d’un premier réseau
routier
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Le développement des
communications (téléphone, télégraphe, courrier)
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La mise sur pied de fermes
d’élevage
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Le développement d’une
agriculture locale
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L’exploitation fructueuse de la
pêche (dont celle lucrative mais excessive du homard)
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L’amélioration fonctionnelle du
premier village local et la construction d’un second établissement
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L’importante et nécessaire
création d’un port de mer à la baie Ellis
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Les débuts d’une industrie de la
coupe du bois de pulpe à Anticosti
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La construction d’un petit
chemin de fer dorénavant indispensable au transport du bois coupé vers le quai de la baie Ellis
Le régisseur avait aussi veillé à l’édification de la superbe villa anticostienne de Menier, laquelle comptait vingt pièces et exigea quatre années (de 1901 à
1905) de travaux ardus à des entrepreneurs de Québec pourtant aguerris aux exigences multiples de la construction.
En plus de sa charge administrative, Georges Martin-Zédé travaille constamment depuis 1896 à créer puis à entretenir des contacts amicaux entre Anticosti, le
gouvernement du Canada et celui du Québec.
Il espère maintenir des relations harmonieuses constantes avec ces instances incontournables; il use à cette fin avec les autorités politiques d’une diplomatie
fondée sur des rapports sociaux amicaux entretenus notamment par des invitations occasionnelles à visiter l’île.
Du même coup, il favorise la perception positive d’une présence étrangère (par ailleurs tout à fait légale) sur un vaste territoire national : l’acquisition
d’Anticosti avait inquiété certains députés fédéraux canadiens trop réceptifs aux rumeurs d’un établissement militaire français dans la grande île. Il importait de
ne donner aucune prise à un tel racontar évidemment tout à fait infondée.
La situation géographique stratégique des lieux, juste à l’entrée du Saint-Laurent, avait alimenté quelques craintes d’un retour militaire de la France au
Canada via Anticosti. Mais une première visite du gouverneur général dans l’île en 1901 – à l’invitation même de Martin-Zédé et en présence d’Henri Menier – avait
contribué à discréditer cette perception biaisée des faits. Les relations de l’administration anticostienne avec les gouvernements du pays se trouvèrent grandement
améliorées à la suite de cette prestigieuse visite, une situation heureuse que le régisseur entretient constamment et dans laquelle il sait évoluer avec
adresse.
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