La réunion du 1erjuin 1914 : annonce de restrictions budgétaires
Une première réunion est convoquée dès le premier jour de l’arrivée dans l’île du directeur. Il en ressort principalement que les frais généraux relatifs à
l’administration de l’île devront diminuer considérablement, selon la volonté du nouveau propriétaire du domaine.
Cela signifie sans doute la fin des projets aux coûts élevés et non rentables à brève échéance.
Afin d’illustrer avec clarté son propos, le régisseur cible le village de Baie-Sainte-Claire dont la population diminue sans cesse d’une année à l’autre. La petite
agglomération, reconstruite, embellie et entretenue à grands frais pendant les premières années du « règne » d’Henri Menier, se vide petit à petit de ses
habitants depuis 1899 au profit du nouveau centre administratif, Baie-Ellis (Port-Menier); il s’ensuit que les bâtiments « ne valent plus la peine d’être
réparés » car le jour viendra où il ne restera plus personne sur les lieux.
Finies les sommes versées aux fins d’entretien de ce village – où il ne se fait, du reste, plus de constructions nouvelles depuis 1899, sur l’ordre même d’Henri
Menier transmis à l’époque.
Les perspectives budgétaires ne sont guère plus réjouissantes pour l’ensemble des services : des restrictions drastiques les touchent pratiquement tous.
Les chiffres des inventaires montrent qu’une réduction radicale de 50% à 70% des dépenses est souhaitable et faisable, aux dires du régisseur.
Les administrateurs, probablement surpris autant que désemparés face à l’ampleur des compressions demandées, sont informés qu’ils recevront bientôt les
spécifications nécessaires pour procéder aux coupures selon les chiffres procentuels demandés à cette fin.
Par ailleurs, Gaston Menier souhaite que le développement de l’île se poursuive malgré les changements d’ordre économique mis en perspective par son homme de
confiance.
En conséquence, l’œuvre colonisatrice entreprise par Henri sera continuée mais il faut désormais opérer à bien moindre frais et concentrer principalement les
efforts sur la coupe et la vente du bois.
Le chef du service forestier depuis 1910 et concepteur du développement de l’industrie du bois à Anticosti, l’ingénieur William Eshbaugh, perçoit bien
le contenu plus menaçant que rassurant des propos du directeur.
Inquiet de l’ampleur des coupures à venir et probablement de l’avenir économique de l’île, il informe le régisseur que des industriels seraient disposés à acquérir
Anticosti pour la somme rondelette de six millions de dollars. Martin-Zédé affirme n’avoir à ce jour pris connaissance d’aucune information à ce sujet et qu’il
serait étonné de l’existence d’une telle offre.
Le régisseur note le 6 juin, dans son cahier personnel, avoir transmis avec rectitude le message de son patron aux Anticostiens, aux administrateurs locaux
ainsi qu’aux travailleurs saisonniers, à savoir que Gaston Menier « comptait sur le travail et la bonne volonté de tous pour mener à bien la colonisation
entreprise à Anticosti ».
Il ajoute que « de ce travail et de cette bonne volonté pourrait dépendre la décision qu’il prendrait concernant l’avenir de l’île. »
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