L’affaire Thyra Seillière, le dernier chapitre de l’ère Menier à Anticosti (1926-1929)
Donc, le 29 juillet 1926, Gaston Menier, vieillissant (72 ans) s’est départi officiellement d’Anticosti au profit de la Wayagamac Pulp and Paper. Il retire quelque
6 000 000 de dollars de la transaction.
Une somme considérable, si on considère que l’île avait été acquise par Henri pour un peu plus de 100 000 dollars.
Mise au fait de la transaction si avantageuse pour son beau-frère, Thyra pense avoir été flouée en acceptant candidement de signer, en 1913, une renonciation à son
usufruit. Elle en conçoit amertume et mécontentement et veut obtenir en justice la nullité de la cession de ses droits d’usufruit.
Après 13 ans passés à percevoir le montant de la rente convenue à la suite de sa renonciation – dont le montant total perçu par elle n’avait pas même encore
atteint le million de dollars après tout ce temps – elle intente un procès pour dol contre Gaston Menier, une accusation dont son beau-frère devra se défendre
devant les tribunaux.
Le dol se définit ainsi dans le droit français : « Manœuvre déloyale prise dans le but d’amener quelqu’un à conclure un contrat à des
conditions désavantageuses. » (Wikipédia, article Dol)
L’élément déclencheur qui souleva l’ire de Thyra Seillière et la conduisit au procès fut donc le profit considérable encaissé par Gaston Menier avec la vente
d’Anticosti.
Mais, près d’un an après la vente de l’île, le 6 juin 1928, le tribunal civil de la Seine qui avait été saisi de l’affaire rend à ce propos un
premier jugement défavorable à Thyra. Elle porte sa cause devant la cour d’appel de Paris.
Le 5 décembre 1929, celle-ci confirme, dans un texte fort bien étoffé, le jugement du tribunal civil; il précise « qu’il n’est pas établi que Gaston Menier
ait exercé sur sa belle-sœur une pression dolosive ».
La cour « déclare Madame Thyra Seillière mal fondée dans toutes ses demandes, fins et conclusions, etc. ».
Entre la fin de juillet 1926 et le 5 décembre 1929, il s’est passé plus de trois ans d’une pénible lutte juridique avant que cette triste affaire ne se termine.
On devine que par la suite les relations des deux protagonistes furent pour le moins distantes.
Gaston mourut à Paris à 79 ans (en novembre 1934) et Thyra s’éteignit aussi dans la capitale française à l’âge vénérable de 93 ans (en mai 1973).
La poursuite judiciaire entreprise par Thyra fut le dernier chapitre de l’histoire des Menier à Anticosti et encore se déroula-t-il bien loin de l’île,
alors que celle-ci appartenait à une compagnie forestière qui l’administrera pendant de longues décennies.
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