Le travail dominical
Les premières journées d’août sont occupées en partie par des réunions auxquelles participent Malouin, D’Aigneaux et Tancrède Girard.
Le samedi 3 août, Martin-Zédé préside la traditionnelle réunion des employés puis il visite la ferme Rentilly ainsi que l’Anse-aux-Fraises avec D’Aigneaux, lequel effectue son premier séjour dans l’île.
Ce même jour, un évènement inattendu survient : « Les ouvriers soutenus par Bouchard [fermier à Sainte-Claire] refusent de rentrer le foin le dimanche. Habitude prise pendant mon absence en 1914-15 et 16 »,
rapporte le régisseur avec aigreur (Martin-Zédé, Journal d’Anticosti, 3 août 1918, BAnQ).
Or, il s’inquiète pour la récolte des foins qui constituent la nourriture hivernale du cheptel de l’île. Et le régisseur est insensible au travail dominical quand
celui-ci s’avère nécessaire.
Compte tenu d’une autorité toujours exercée jusque-là sans contestation aucune, Martin-Zédé perçoit probablement l’arrêt de travail des faucheurs tel un affront.
Il songe même à remplacer une partie du personnel affecté aux travaux des fermes « pour lequel on a eu trop d’attention », regrette-t-il… Bouchard est remercié de ses services et remplacé par « un homme connaissant mieux son
métier. »
(Philippe Bouchard était dans l’île depuis 1896; il fut même chef des cultures et
responsable de la ferme à Baie-Sainte-Claire ! Comme il était vieillissant, Martin-Zédé invoque notamment l’« incapacité » dans son cas.)
Les employés répliquent que le travail est interdit le dimanche par l’Église de Rome à laquelle ils appartiennent. L’affaire prend une dimension religieuse. Il
faut donc pour Martin-Zédé intervenir auprès des autorités cléricales et essayer d’obtenir un assouplissement.
Le missionnaire Levantoux, en poste dans l’île, se montre intraitable sur la question.
Toutefois, son supérieur hiérarchique, l’évêque Patrice Chiasson, établi au
Havre-Saint-Pierre, affirme le 6 août « qu’en cas de nécessité le travail le dimanche est autorisé. » (Martin-Zédé, Journal d’Anticosti, le 6
août 1918, BAnQ)
Voilà donc la question en principe réglée. Il était temps car il y a un inquiétant retard dans la récolte du foin dû à l’abondance des pluies.
En conséquence, il est urgent d’engranger. Mais le travail ne progresse que lentement et « le foin commence à souffrir » des pluies, une situation qui
s’améliore heureusement le 15 août, note avec satisfaction le régisseur dans son cahier : « Les foins rentrent », travail qui sera tout terminé le
25 : « Les fermes ont toutes rentré le foin. »
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