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Montréal, le 11 octobre 1966,
Chère madame,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêts et de compréhension vos deux volumes «Dans un gant de fer» et «La joue droite».
Ma mère était la sœur de ma tante Laura, la première femme de votre père. À la mort de maman j’avais six ans et comme elle laissait quatre enfants, mon père étant mort aussi, nous avons tous été séparés les uns des autres.
Moi, vous le devinez, je suis allée vivre chez votre père. Ce que nous en avons eu des fessées Gérard et moi, et pour des bagatelles, j’avais toujours des bleus partout car il n’y allait pas de main morte quand il s’y mettait.
Heureusement à mes sept ans il m’a mise pensionnaire à Saint-Joseph de Sèves où était ma sœur ainée alors je les voyais rarement. Lorsqu’il venait me chercher pour les vacances de Noël ou de Pâques je suppliais les sœurs de me garder parce que j’avais trop peur de lui.
Ma tante Laura était devenue très malade : à la fin de l’année, je suis allée à l’île Anticosti chez nos grands-parents et je ne suis plus retournée chez lui.
Je crois qu’il a aimé sa première femme, à sa manière bien entendu, mais il n’aimait pas que sa sœur lui rende visite trop souvent et surtout qu’elle ne mange pas à la maison! C’est cette tante qui était allée chez votre grand-mère afin d’empêcher le mariage de votre mère, mais elle l’avait su à la dernière minute, cela faisait à peine 6 mois que tante Laura était morte.
Excusez cette longue lettre un peu décousue, je n’ai pas l’habitude d’écrire, mais je voulais vous dire mon admiration pour avoir pu vous affranchir de toute cette misère et que je comprends ce que vous avez dû souffrir.
Me permettrez-vous, chère Madame, de vous envoyer un de vos livres d’avoir votre autographe, cela me ferait énormément plaisir.
Bien à vous,
Berthe Nadeau
Montréal 26 octobre 1966
Chère madame,
Je vous remercie de tout cœur pour votre gentille lettre, et je vous envoie les deux volumes pour être autographier (sic).
Soyez assurée chère Madame que nous sommes toutes les deux, un peu là pour vous défendre lorsque quelqu’un trouve que vous n’auriez pas dû parler ainsi de votre père. Même dans la famille où ils ne l’ont connu que sur ses vieux jours et tout à fait adouci, ils ne pouvaient croire qu’il avait été aussi brutal.
Merci encore chère madame et croyez-moi
Votre toute dévouée
Berthe Nadeau