TABLE DES MATIÈRES |
Alarie, A.
Bélanger, Jean-Baptiste (capitaine du Savoy)
Comettant, Lucien
Eustache, Robert, (secrétariat de l'île Anticosti)
Gamache, Louis-Olivier
Guay, Mgr Charles
Jacquemart, Adolphe, (confectionnait les plans)
Malouin, Alfred
Marchand, Félix-Gabriel
Martin-Zédé, Pierre-Émile
Menier, Henri
Maynard (ami de Menier sur le premier voyage de la Bacchante)
Pagé, Walter
Parent, Simon-Napoléon
Picard, (agronome , chef de la culture)
Pinault, Louis-Félix (Major)
Schmitt, Joseph (médecin, chirurgien, pharmacien)
Tanguay, Géo.
Félix-Gabriel Marchand (1832-1900), notaire et premier ministre du Québec (libéral) du 27 mai 1897 au 25 septembre 1900. Il a tenté de créer un ministère de
l'éducation en 1898. Il est l'arrière grand-père du cinéaste Michel Brault.
Louis-Félix Pinault (1852-1906), avocat, représentant de Matane comme libéral entre 1892 et 1898.
Une demande de M. Menier pour la concession de lots de grève et des lots à eau profonde servit de prétexte à cette visite de notables sur l'île d'Anticosti.
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Baie des Anglais, le 19 août 1898 |
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Les honorables MM. Marchand et Parent ainsi que leurs compagnons de voyage sont arrivés ici cette
nuit.
Toute la colonie française de l’île leur a fait une belle réception. Ils sont les hôtes de M. Comettant, gouverneur d’Anticosti. Aujourd’hui, on a organisé une excursion à la Baie de Gamache, où le party rencontrait le propriétaire de l’île, M. Menier. Mais le temps que ces messieurs ont à leur disposition est court, trop court. Les honorables MM. Marchand et Parent devront être à Québec pour lundi. Aussi leur départ est-il fixé à cet après-midi. Ils se rendront à Rimouski et de là à Québec. |
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Le Soleil, le 23 août 1898 |
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Comme nous l’annoncions hier, les honorables Marchand et Parent, ainsi que le
Major Pinault, MM. Walter Pagé et Géo.
Tanguay, A. Alarie et notre représentant sont débarqué dimanche soir à Québec d’un voyage dans le bas du fleuve, à la baie des Chaleurs
et Anticosti, et la vallée de la Matapédia.
La party est ensuite allé à Paspébiac – une des plus jolies promenades qu’on puisse faire. – Après une courte visite au maire et aux notables de l’endroit, on est revenu à New Carlisle, où l’honorable M. Marchand reçu un câblogramme de H. Henri Menier, le roi de l’Anticosti, lui annonçant que son steamer, le Savoy irait le prendre avec ses amis, à New Carlisle, à minuit, le même soir pour le conduire à Anticosti. L’invitation fut acceptée avec plaisir. Le commissaire des Terres de la Couronne avait inclus dans l’itinéraire du voyage une visite à Gaspé où l’appelaient certaines affaires concernant son département. Il fallut renoncer à cette partie du programme et à deux heures du matin, jeudi, le 18, nous étions reçus à bord du Savoy par le capitaine Bélanger qui dirigea immédiatement la proue de son steamer sur l’île par un temps superbe et par une mer tranquille et calme. Dès les premières lueurs du jour, la température s’annonce des plus agréables et le Savoy voguait avec rapidité en longeant les côtes si pittoresques et si riantes de la péninsule de Gaspé.
Les voyageurs après quelques heures d’un sommeil réparateur, après les deux jours de travail qu’ils viennent d’accomplir, montent sur le pont et admirent les beautés de la nature
a été si prodigue envers cette partie de la province.
Le capitaine Bélanger et tout son équipage se font les dignes interprètes des désirs de M. Henri Menier en se mettant immédiatement à la disposition de leurs hôtes. Nous longeons Paspébiac, Nouvelle, Port-Daniel, New Port, Pabos, Percé dont nous admirons le paysage toujours nouveau, le rocher aux oiseaux et autres endroits avec lesquels nos lecteurs sont familiers. Lorsque nous entrons dans le golfe, le capitaine, en constatant qu’une forte brise du nord-ouest s’élève, nous regarde d’un air narquois et une réponse à nos questions réitérées nous avertit que nous allons avoir pour le reste du jour, une mer agitée qui pourrait bien nous jouer une mauvais tour. À cette nouvelle, les fronts se rembrunissent, mais il faut faire contre fortune, bon cœur, et attendre les événements avec une patience. Quelle sera la première victime? Voilà ce que nous nous demandions avec angoisse. Malheur à celle car elle sera l’objet des quolibets de la part de ceux dont la mer aura pitié. Le major Pinault debout sur le tillac regarde au loin d’un air de défi et jette un regard de mépris sur les flots dont la colère augmente de seconde en seconde. Il en a vu bien d’autre le brave militaire, lui qui s’est déjà payé de si nombreux voyages à travers tous les continents et sur toutes les mers sans parler de la glorieuse campagne du nord-ouest. Certes, sa forte constitution le met à l’abri des misères qui atteignent le commun des mortels. Il nous rappelle une tempête épouvantable qu’il a subie, il y a juste dix ans et au cours de laquelle, pas plus que les autres, il n’avait été épargné. Mais, il faut dire aussi que celle-ci est une misère comparée à celle de 1888. L’honorable M. Marchand nous raconte avec le talent et l’esprit qu’on lui connaît, un voyage qu’il fit en voilier de New-York à Liverpool, en 1850, alors qu’il avait été près de vingt jours sur la mer par une tempête continue et des plus violentes, mais à laquelle il avait pu résister sans accidents. Les autres voyageurs qui ne sont que des marins d’eau douce sont évidemment plus en danger mais, hélas! Qu’il ne fait jamais bon de défier, choisit parmi nos rangs et saisit… devinez qui? Le major, (qui l’aurait cru?); oui, le major Pinault lui-même. Le brave soldat dut laisser aux poissons les excellents bigorneaux, cadeaux de M. Menier qu’il avait dégustés avec tant de délices au dîner, et qui étaient du reste, on ne peut meilleur. Quelques minutes de malaise et M. Pinault céda sa place au bout de la passerelle à M. Walter Pagé qui dut lui aussi payer un large tribut à la mer en courroux. |
Le Soleil, le 26 août 1898 |
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Après ce contretemps, la conversation reprend et les récits de voyage se succèdent, tous plus intéressants les uns que les autres.
La tempête qui augmente de minute en minute et qui fait danser le Savoy comme une coquille de noix sur la cime des vagues retarde considérablement notre marche et nous sommes menacés de n’arriver à Anticosti qu’à la nuit. L’objectif du capitaine est l’ancienne baie des Anglais située près de la Pointe-Ouest et dont le nom a été changé en celui de Ste-Claire par M. Menier en souvenir de la mère du seigneur de l’endroit. Malgré tout, nous filons assez bien et sur les 6 heures, la vigie signale dans le lointain une masse noire qui paraît sans fin et qu’on nous dit être l’île d’Anticosti. L’espérance renait, car nous allons bientôt être débarrassés du vent affreux qui souffle et des flots qui nous ballottent. Sur les huit heures, nous doublons la Pointe-Ouest de l’île et la sirène du Savoy salue le phare qui est depuis plusieurs années sous les soins de M. Malouin. Nous filons encore quelques instants et nous apercevons un groupe de lumières qui nous indique que nous sommes à l’entrée de la baie Ste-Claire où demeure la colonie que M. Menier vient d’y établir. La baie Ste-Claire n’est que temporairement le port principal de l’île. Le propriétaire a en effet l’intention de faire de la baie Ellis, ci-devant la baie de Gamache, son port principal, et dans ce but il est entré en communication avec le département des terres de la couronne afin de faire l’acquisition d’un lot de grèves et dans le but d’y construire un quai immense et d’y établir un havre. |
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Québec, 9 août 1898
À l’honorable Commissaire des Terres, Forêts et des Pêcheries de la Province de Québec. Monsieur le Commissaire, J’ai l’honneur de solliciter la concession en ma faveur des lots de grève, et des lots à eau profonde formant partie de l’île d’Anticosti qui suivent; 1 – tous les lots formant la grève de la baie Ellis et le lot d’eau profonde qui en forme le fond, tels que compris entre la ligne de haute marée dans la dite baie et une ligne tirée du point extrême de la basse marée vis-à-vis le cap Henri, au point extrême de la haute marée vis-à-vis le cap à l’Aigle, ainsi que la partie du lit de la rivière Ellis qui est navigable ou flottable. Aussi de lots de rivière et pouvoir d’eau qui peuvent appartenir à la province; 2 – tous lots formant la grève de l’île d’Anticosti, c’est-à-dire la partie de la dite île comprise entre les lignes de haute et basse marée, ainsi que les battures, bancs ou autres terrains attenant à l’île qui sont découverts à mer basse. En formulant cette demande, je me permets de vous rappeler que je suis le propriétaire unique de toute l’île d’Anticosti et partant le seul intéressé à la propriété et possession des terrains ci-dessus. Je désire aussi apporter à votre connaissance que j’ai en vue la construction de brise-lames et de quais dans la Baie Ellis, dont la location et les plans ne peuvent être arrêtés et dressés que lors que j’en aurai acquis La propriété des sites. De plus, j’ai l’honneur de vous demander la licence de la pêche au homard et du saumon autour de l’île et dans les embouchures et rivières d’Anticosti. Recevez, M. le commissaire, l’expression de ma considération la plus distinguée. H. Menier |
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C’est afin de permettre à l’honorable M. Marchand et l’honorable M. Parent de visiter ces lots de grève que
M. Menier avait eu la courtoisie de les inviter et de les envoyer chercher à New-Carlisle pour les transporter jusqu’à l’île
d’Anticosti.
Nous aurons du reste, dans un prochain article, l’occasion de donner un compte-rendu de cette visite qui eut lieu le lendemain. Le Savoy avait jeté l’ancre des embarcations se détachèrent de la rive, vinrent chercher les voyageurs qui furent reçus avec une courtoisie toute française chez M. Comettant, le gouverneur de l’île. Monsieur, madame et mesdemoiselles Comettant ont fait assaut de courtoisie et d’amabilité envers leurs hôtes. M. Henri Menier, retenu à la baie Ellis que des affaires importantes avaient retenu, n’avait pu se rendre à la baie Ste-Claire pour recevoir M. Marchand et l’honorable M. Parent. Mais immédiatement prévenu de leur arrivée, par le téléphone, il s’empressa de leur présenter temporairement ses hommages et leur souhaiter le bienvenu, quitte à les revoir le lendemain. Après le dîner, les visiteurs passèrent la soirée la plus charmante au château. La visite de la nouvelle colonie entrait naturellement dans le programme du voyage, et le lendemain matin, au retour du roi de l’Anticosti, celui-ci ainsi que M. Comettant, M. Martin, le Dr. Schmitt, M. Robert Eustache se mirent à la disposition des deux ministres, afin de leur faire voir des améliorations extraordinaires qui y ont été accomplis dans l’espace de deux années. Disons tout de suite que cette visite a été toute une révélation pour nous. S’il est vrai de dire que M. Menier a dépensés sur son domaine des sommes considérable, il convient d’ajouter qu’elles l’ont été avec beaucoup d’intelligence et un esprit de prévision qui dénote chez le maître et chez les officiers de grandes connaissances des besoins de l’humanité et un talent d’organisation hors-ligne. Les bases de la colonie qu’il a décidé d’établir sur l’Anticosti, ont été jetées avec un soin au-dessus de tout éloge. L’objet qu’il a en vue n’est pas de peupler son île au hasard et sans discernement comme la chose se fait malheureusement si souvent dans tous les nouveaux établissements, mais bien de faire un choix judicieux de ceux qui devront vivre avec lui. |