Jean Poulin
Anse-aux-Fraises | |||||||||||||||||||||||||||
M. Jean Poulin me donne les renseignements suivants relatifs aux « squatters » de l’Anse-aux-fraises.
Il s’agit de trois personnes qui ont refusé de vendre leurs propriétés de l’Anse-aux-fraises à M. Henri Menier. Ils ont été expulsés de l’île à l’automne de 1900 par M. Martin-Zédé.
Ces trois personnes étaient M. Frank Bezeau, qui alla vivre à la rivière au Tonnerre, M. Philias Bezeau, qui s’établit, lui, à la rivière Pentecôte, et Anthyme Noël, qui alla également habiter à la rivière au Tonnerre. |
Baie Ste-Claire | |||||||||||||||||||||||||||
Sur une des photos de l’album que me montre M. Poulin, on voit un homme sur un amas de glace au bout du quai de Baie-Sainte-Claire; la photo montre un treuil au bout du quai qui servait au déchargement des barges qui allaient à la rencontre du Savoy.
Les barges accostaient au pied et le treuil était actionné par un cheval tirant sur un câble à partir de la berge.
La marchandise était déposée sur la plateforme du Decauville, dont les rails se rendaient à l’extrémité du quai.
M. Eugène Chevalier père a failli être tué lorsque le poteau du treuil (en bois) s’est brisé.
Le baril de mélasse qu’il transportait est retombé dans la barge sur le dos de M. Chevalier, qui eut les « reins cassés ».
La barge qui servait au déchargement était entreposée dans un hangar nommé « chaffand » qui fut plus tard transformé en logements.
Ce long hangar était de grande dimension. J’ai une photo montrant la sortie de la barge du hangar au printemps (entreposé dans le hangar l’hiver). |
Horse Power | |||||||||||||||||||||||||||
Sur une autre photo, l’on voit des chevaux dans une boîte; il s’agit du « Horse Power ».
Cette boîte à fond mobile en forme d’escalier que l’on met en mouvement en enlevant les freins; les chevaux sont forcés de marcher sur place dans la boîte à cause de l’angle.
Il servait à actionner soit une scie pour le bois de chauffage, soit la batteuse à grain. |
Garde-chasse - camps | |||||||||||||||||||||||||||
Les camps de chasse construits vers 1922 accueillaient des familles; d’autres camps, plus temporaires et situés entre les camps permanents où habitaient les familles, logeaient un célibataire pendant les mois d’hiver pendant lequel se pratiquait la chasse aux animaux à fourrure.
Le rôle de garde ou de chef-garde était attribué au chef de chaque famille. L’épouse faisait la cuisine pour les touristes. Les maisons de garde avaient le nom de « pavillon ».
Il y avait 10 rivières ainsi aménagées : la Becsie, la Sainte-Marie, la Loutre, la Galiote, la Chicotte, la Chaloupe, la Saumon, la Patate, la Voréal, la Macdonald et la Jupiter.
Dans les années 1930-1940, il y avait des familles à Goose Point et à Fox Bay pour la pêche au saumon pour la compagnie. Il y avait des camps de chasse : Havre du Brûlé, etc. |
Animaux à fourrure | |||||||||||||||||||||||||||
M. Jean Poulin capturait un maximum de 128 renards dans une saison de chasse (qui s’échelonnait du 1er novembre ou 1er décembre à la fin de février : trois mois).
Après le renard, on chassait le castor (du 1er février à la fin mars). On chassait également la loutre et la marte.
La ligne de piégeage du renard était située le long de la mer dans les plaines.
M. Poulin disséminait des débris de saumon le long de sa ligne de chasse, et cela tout l’été jusqu’à l’automne afin d’attirer le plus de renards possible.
C’est grâce à cette technique qu’il réussit à capturer 32 renards en une seule journée.
La ligne de chasse au renard de M. Poulin s’étendait vers l’est jusqu’à la Pointe-Sud (18 milles) et à l’ouest à 2 milles en direction de la de la rivière Mecani (?).
L’aller-retour représentait une marche de 40 milles tous les jours.
Il prétend avoir marché en une seule saison trois fois la distance de Québec à Anticosti.
La ligne de trappe aux castors avait une distance de 11 milles à l’intérieur de l’île (et non le long de la mer).
Cette ligne de trappage servait également pour la loutre et la marte.
Cela explique pourquoi les braconniers de la Côte-Nord passaient l’hiver à l’est de l’île pour y chasser les animaux à fourrure dans des camps de fortune.
Ils avaient peu d’occasions d’être repérés par les gardes, ceux-ci traquant le renard le long de la mer. |
Lapipe - régisseur de ferme | |||||||||||||||||||||||||||
Lapipe : « régisseur de ferme » au moment de la vente de l’île en 1926. Il émigra dans l’Ouest canadien où il devait mourir (de ses propres mains, semble-t-il). |
La marte d'Anticosti - disparition | |||||||||||||||||||||||||||
M. Renaud me raconte que la marte était facilement attirée par la fumée des camps d’exploitation forestière et, là, elle se faisait piéger facilement par les bûcherons.
On perçait un trou dans un arbre et on déposait un morceau de viande, puis on enfonçait des clous à angle de telle sorte que, lorsque l’animal allait récupérer le morceau de viande, la pointe des clous le retenait prisonnier et s’enfonçait dans le cou et la tête à mesure que l’animal cherchait à se déprendre.
Cette même description me fut faite par M. Arthur Toutant, oncle de Christiane né en 1913-1914, dont les cousins sont allés « couper des billots à Antecosse ».
Les bûcherons vendaient la fourrure pour ainsi se faire un supplément. Il semble que ce sont les jobbers (d’après M. Renaud) qui ont exterminé la marte d’Anticosti. |
Arthur Renaud - achat de viande | |||||||||||||||||||||||||||
M. Renaud faillit perdre son emploi à l’occasion d’un problème un peu particulier.
Il était responsable de l’achat de la viande de bœuf, de porc, de mouton, etc. que l’on conservait l’hiver dans les bancs de neige au village (il s’agit de « chars de viande », des wagons pleins).
Cette viande devait être consommée au cours de l’hiver et avant le printemps afin d’éviter les pertes.
De 1926 à 1929, la viande ne se vendait pas et il y avait des pertes tous les printemps.
La raison de ce manque d’intérêt pour la viande de boeuf est que les jobbers tuaient des cerfs pour nourrir leurs employés.
M. Renaud me dit que l’on pouvait tuer de 700 à 1000 chevreuils par hiver (comme les armes à feu étaient interdites, on prenait ces animaux au collet). |
Bucher l'hiver - impossible | |||||||||||||||||||||||||||
M. Arthur Toutant : il me raconte que ses cousins étaient allés « couper des billots à Anticosti » au cours des années 1913-1914 et qu’ils étaient revenus après un hiver, ne pouvant travailler avec profit.
D’après ses cousins, il était impossible de bûcher en hiver à cause de la « croûte ».
En effet, le climat humide du golfe provoque souvent la formation de croûte de glace à la surface de la neige; cette croûte se forme presque après toute chute de neige.
Les chevaux s’enfoncent en marchant et lorsqu’ils retirent leurs pattes (surtout les pattes avant), la croûte déchire le genou de l’animal.
Le cheval ainsi blessé ne peut être utilisé davantage. Ce facteur aurait joué un très grand rôle dans la non-rentabilité de l’exploitation forestière (?). |