Jean Poulin
Le chaudron mystérieux | |||||||||||||||||||||||||||
Cet événement étrange dont Mme Poulin (Marie-Louise, née à Sainte-Anne des Monts) a été témoin s'est déroulé en 1914 à Baie-Sainte-Claire où Mme Poulin travaillait comme servante du gouverneur de l'île, M. Alfred Malouin.
Elle a travaillé trois ans pour lui. Le père de Mme Poulin était venu à l'île comme « jobber » pour exploiter la forêt pour M. Menier.
Marie-Louise avait 12 ou 13 ans au moment de son arrivée à l'île. Elle a épousé Jean Poulin en 1918.
La demande en mariage s'est faite près du moulin de Port-Menier où le père de Marie-Louise était contremaître et Jean, un employé.
Le gouverneur habitait une magnifique résidence à Baie-Sainte-Claire.
Cette «résidence du gouverneur» avait une véranda et, sur un côté, il y avait une serre. M. Malouin avait l'habitude de se promener sur la véranda après le souper.
Il possédait une jumelle télescopique (lunette de marine) et scrutait souvent la mer au cours de ses périodes de détente.
Un jour d'été de 1914, il vit arriver et s'ancrer dans la Baie-Sainte-Claire un bateau à trois mâts qu’il ne pouvait identifier, ce dernier n'arborant aucun signe distinctif.
Une chaloupe fut mise à la mer et trois hommes débarquèrent sur le quai quelques instants plus tard.
M. le gouverneur, qui avait suivi la manoeuvre à la jumelle, quitta son poste d'observation et s'avança vers les trois hommes qui se dirigeaient dans sa direction.
Deux hommes vêtus d'habits sombres marchaient côte à côte suivis d'un homme âgé portant une longue barbe et des vêtements gris.
L'un des deux hommes, en bleu, demanda, dans un français où perçait un accent étranger, s'ils pouvaient demeurer ancrer dans la baie pour la nuit.
Comme le vent venait de terre, il leur dit qu'ils ne couraient aucun danger de mauvais temps.
Le vieillard ne prononça aucune parole et ils retournèrent au quai en causant entre eux.
M. Malouin ne put entendre les paroles prononcées à cause de la brise et de l’éloignement, mais les individus gesticulaient beaucoup et pointaient du doigt le fond du village, le section à l’est où se trouve une rangée de maisons habitées par des anglophones. Ils retournèrent à bord de leur bateau.
M. Malouin, ancien gardien du phare de la Pointe Ouest, aimait se lever tôt le matin.
Dès cinq heures, la servante lui préparait son petit-déjeuner, mais, avant de s'asseoir à table, M. Malouin quittait la maison pour faire une promenade dans le village.
Ce matin-là, il aperçut les trois personnages étranges de la veille qui se dirigeaient avec une certaine maladresse vers le quai en empruntant la route qui longe le bord de la mer.
Deux des hommes transportaient, à l'aide d'une branche passée dans l’anse, un énorme chaudron de cuivre ou d’étain contenant quelque chose de très lourd.
Le troisième, l'homme à la longue barbe grise, fermait la marche. M. Malouin leur intima l'ordre, à l’aide de cris et de gestes, de s'arrêter, mais rien n'y fit.
Les cris de M. Malouin attirèrent à l'extérieur la servante qui vit en sortant les trois hommes monter à bord de leur chaloupe. Bientôt, le navire à trois mâts, les voiles gonflés, disparut à l'horizon.
Le gouverneur se mit immédiatement à la recherche de l'endroit où les trois inconnus avaient découvert le mystérieux chaudron.
Il retraça aisément le trajet des trois hommes grâce aux traces évidentes sur la route et dans les herbes à cause du lourd fardeau qu'ils transportaient.
Bientôt on découvrit, à l'est du village, près du four à chaux, un trou dans le sol dont les contours épousaient la forme du chaudron.
C'est avec amertume que monsieur le gouverneur conclut qu’un ancien naufragé était venu chercher le trésor amassé lors d'un naufrage et caché précieusement jusqu'au moment où il put venir en prendre possession.
S'agit- il vraiment d’un trésor caché ? Combien y en a-t-il enfouis dans l'oubli et que cette île mystérieuse conservera à tout jamais? |
Abbé Hesrie | |||||||||||||||||||||||||||
Histoire racontée par M. Jean Poulin au sujet de ce curé qui lui inspirait une confiance absolue. Ces faits sont véridiques et sont tous survenus en présence de témoins.
«Un jour, j'étais cloué à mon lit, quasi immobile, ne pouvant remuer que la tête. Des douleurs aiguës au dos et aux reins me paralysaient tous les membres.
Le hasard ou la providence voulut que l’abbé Hesrie me rendît visite à la rivière Chaloupe où j'habitais. C'était en 1935. «Qu'avez-vous?», me dit-il. Je lui expliquai que je ne pouvais bouger. «Assis !» cria-t-il.
Sans comprendre comment et même sans réaliser ce qui se passait, je me retrouvai dans une position assise.
Il passa sa main rapidement le long de ma colonne vertébrale et je sentis un courant glacé se déplacer le long de mon dos.
J'étais, un instant plus tard, dans la cuisine à lui préparer quelque chose à manger et, depuis ce moment, je n'ai jamais éprouvé la moindre douleur au dos. J'ai aujourd'hui 80 ans.»
« Au cours d'une autre visite du père Hesrie, il me demanda de l'amener à la rivière Chicotte depuis mon poste à la rivière Chaloupe.
Après avoir dit la messe et avoir pris son déjeuner avec sa lenteur coutumière, on monta dans la petite chaloupe malgré que la mer devenait de plus en plus mauvaise. Moins d'une heure plus tard, elle était déchaînée.
Nous ne pouvions accoster à cause de la marée basse qui dégageait le «reef». Nous étions sur le point de disparaître dans les flots lorsque le père Hesrie fit le geste de bénédiction.
La mer se calma subitement et pas une ride devant la barque ne paraissait à la surface ; ce temps calme n'existait que le long d'un couloir qui s'étendait comme un chemin pour nous conduire jusqu'à notre destination.
Il me dit de retourner chez moi, qu'il n'y avait pas de danger. Le voyage de retour se fit par temps «plat». |
Abbé Hesrie | |||||||||||||||||||||||||||
«Un jour, je me rendais à Port-Menier en charrette avec ma famille lorsque, au moment de traverser un obstacle (calvette), je voulus sauter de la voiture.
Mon genou gauche heurta violemment un morceau de glace. Le genou enfla considérablement.
Le médecin de Port-Menier me recommanda de me rendre immédiatement à Québec pour y subir une opération.
Je rencontrai ensuite le père Hesrie qui, passant brusquement la main sur mon genou meurtri, me dit de retourner immédiatement avec ma famille à la rivière Patate où j'habitais.
C'est ce que je fis, mes affaires étant réglées. Trois jours plus tard, rien ne paraissait plus de l'enflure.» |
Abbé Hesrie | |||||||||||||||||||||||||||
«Au cours des quinze années de notre vie à la rivière Chaloupe, nous avons parfois connu des inquiétudes concernant la santé de nos enfants. Il y avait bien le médecin à Port-Menier, mais on ne le voyait qu'une fois par année lorsqu'on s'y rendait.
J'avais remarqué en coiffant une de mes filles qu'une bosse assez grosse s'était développée sur sa tête à l'endroit de la séparation des cheveux.
Cette bosse, rouge et molle, grossissait lentement. Au cours d'une visite du père Hesrie, je mentionne cette inquiétude au bon père qui me conseille d'y mettre de la crème douce, ce que je fis après avoir mentionné cette recommandation plutôt étrange du père Hesrie à mon mari.
Quelques jours plus tard, en coiffant ma fille, j’eus la surprise de constater la disparition de la bosse.»
Le père Hesrie était originaire de la côte Nord. On raconte qu'il voulut convertir un protestant au catholicisme et que celui-ci refusait en répondant chaque fois : «Peut-être au cours de ma prochaine vie».
Un jour que le bonhomme, qui avait beaucoup vieilli, faisait la même réponse au père Hesrie, celui-ci poursuivit son chemin, mais tout à coup une colombe blanche vint se poser sur son épaule.
Il rebroussa chemin pour arriver juste au moment où notre protestant agonisait. Ce dernier eut le temps de se convertir et reçu le baptême de même que les derniers sacrements.» |
Abbé Hesrie | |||||||||||||||||||||||||||
Au cours d'une autre visite du père Hesrie, ce dernier était accompagné de deux religieuses dont l’une allait visiter sa famille au phare de la Pointe-Est.
M. Poulin avait, à sa maison de la rivière Chaloupe, un cheval qu'il utilisait pour différents travaux de même que pour faire de l'équitation.
Le père Hesrie suggéra à l'une des jeunes religieuses de monter à cheval (cheval qui était enfermé dans l'enclos); celle-ci accepta et se mit en selle.
Le cheval partit au galop. M. Poulin était dans la maison à ce moment-là et vit la jeune religieuse passée à fond de train devant la fenêtre.
Il sortit dehors au moment où le cheval excité fonçait droit vers l'écurie avec l'intention d'y entrer par la porte qui était à peine de la hauteur et de la largeur de la bête. M. Poulin cria qu'elle allait se blesser ou se tuer. Le père Hesrie lui répliqua qu'il n'y avait pas de danger.
Au moment où la bête passa la tête dans la porte de l'écurie, la jeune religieuse fut soulevée et tomba doucement sur le sol… Sans une seule égratignure, comme l'avait dit le père Hesrie.
Il semble aussi qu'à une autre occasion un incident bizarre se passa. Le père Hesrie avait été accueilli par une de ses ouailles et décida de passer la nuit chez elle.
Au moment de se coucher, une voix lui dit qu'il devait se réveiller avant minuit, car la maison serait en flamme.
Il se réveilla brusquement juste un peu avant minuit pour découvrir que le feu brûlait au premier. On évacua la maison et le feu fut éteint par le père avec un seul seau.
Lorsqu'il lança l'eau, le feu s'éteignit partout comme par enchantement.
Monsieur A.E. Graham disait du bien du père Hesrie : « He is a saint man, but very slow. » Le père Hesrie était un homme bon et simple. Jamais il ne critiquait son prochain, ni ne médisait.
Il servait ses pairs avec amour et simplicité. Au moment de sa mort, les religieuses de la Charité ont coupé son chasuble en petites pièces qu'elles distribuèrent aux Anticostiens comme reliques.
Sœur Sainte-Ozane (?) possède le chapelet du père Hesrie. Il est mort au moment de la célébration de la messe. Une description de sa mort est donnée dans les minutes de la communauté. |