L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Il restait même après ce broyage, des «graviers» dits aussi «clinkers» qui, passés à la meule à boulets, produiraient du bon ciment.
J'avais organisé de nouvelles feuilles d'engagement que devaient signer nos ouvriers, par lesquelles ils reconnaissaient ne pouvoir quitter le travail sans autorisation à peine d'être par le fait même renvoyés de l'île.
L'administration s'enlevant tout moyen de les reprendre le cas échéant. Ceci pour éviter les grèves que certains mauvais éléments cherchaient à provoquer dans notre personnel.
Quelques jours après, j'eus à me féliciter d'avoir pris cette précaution, car plusieurs ouvriers étant venus à moi sur la route pour une réclamation au sujet de leur contremaître.
Je tirai simplement ma montre qui indiquait 10 heures du matin, et leur fis cette remarque que je regrettais de ne pouvoir les écouter, puisqu'ils n'étaient plus à l'ouvrage et qu'ils avaient eux-mêmes signé que tout ouvrier quittant son travail sans autorisation était par le fait même renvoyé de l'île.
Ils se trouvaient donc dans cette situation et je n'avais plus autre chose à leur dire, que de passer à la caisse pour faire régler leur compte.
Le soir même ils furent embarqués pour Québec et je n'eus plus jamais aucune réclamation de cette nature à réprimer dans la suite.
D'autre part, étant donné le grand nombre d'hommes que nous employions, dont il convenait de connaitre les qualités, je fis adopter le système des livrets militaires pour tous nos ouvriers.
Il y avait le livret individuel et le livret matricule. Dans l'individuel seraient inscrits toutes les indications relatives à l'âge de l'ouvrier, à ses facultés, les emplois divers qu'il aurait remplis, etc...
Ce livret restait en sa possession, il devait être mis à jour tous les mois et présenté à toute réquisition.
Le livret matricule, lui, restait à l'administration.
Ils étaient marqués les notes des chefs, les emplois que les ouvriers avaient remplis et tous les renseignements confidentiels de l'administration, qu'elle seule avait besoin de connaître.
Aucun ouvrier ne pouvait être engagé et quitter Québec sur le Savoy, sans avoir un billet signé du docteur Grondin , devant lequel tous devaient passer la visite médicale.
Je fis un arrangement aussi avec la police de Québec, devant laquelle ils devaient se présenter avec leurs papiers et recevoir un quitus.
Avant la visite médicale, selon un accord passé avec un établissement de bains de Québec, tous devaient en prendre un payé par nous, et revêtir des vêtements propres, sous peine de non-embarquement.
Que de difficultés de d'ennuis cet arrangement nous a évité, le séjour à bord étant assez courts, pour que le bénéfice de leur bain, produit son effet de propreté jusqu'à l'arrivée à l'île.
Je créai aussi une organisation pour garder les animaux nécessaires à la boucherie, que nous devions acheter chaque année, n'en ayant pas encore assez pour nous suffire.
Nous estimions à 150 les boeufs que nous devrions livrer à la boucherie chaque année pour la nourriture des habitants et du personnel en dehors des porcs, des veaux, et des moutons que nous élevions nous-mêmes à l'île.
Le mieux était de les acquérir ensemble en gros, au début de l'année.
Un tiers, se composant d'animaux gras, serait mis à l'étable pendant les mois d'avril, mai et juin, pour la boucherie.
Le temps étant trop froid pour les mettre dehors. Un autre tiers, demi-gras, serait mis à l'herbe aussitôt que la saison et la végétation le permettraient et seraient consommés en juillet, aout et septembre.
Le dernier tiers, maigre celui-là, devrait s'engraisser à l'herbe avant d'être livré à la boucherie, en octobre, novembre et décembre.
Pour l'hiver, environ 50 autres animaux seraient être achetés gras à la fin de la navigation en attendant que nous ayions suffisamment de prairies pour pouvoir en engraisser un plus grand nombre.
Comme nous n'avions que 100 boeufs à engraisser, estimant qu'un demi-hectare par tête était suffisant pour obtenir ce résultat pendant les six beaux mois de l'année.
Je fis faire dans le fond de la baie, un parc de 50 hectares avec une aussi grande étendue de bois enclose, où je fis mettre ce troupeau.
Trois côtés (celui de la mer et les deux autres) étaient clôturés par de gros pieux dans le sol et des poteaux en travers, le quatrième côté étant clôturé naturellement par la falaise à pic.
Trois rivières dont une principale avait été appelée «Barbarin» traversaient le parc où quantité d'abris se trouvaient au pied de la falaise pour les bestiaux, contre les vents froids.
Ce terrain avait été bien essouché et une partie environ les trois quarts, bien labourée et ensemencée en foin.
En arrière, je fis faire une route qui descendait dans cet enclos, pour que le boucher puisse reprendre les bestiaux au fur et à mesure des besoins de la consommation.
Il employait à cet effet un enclos spécial appelé «squeezer» qui est particulièrement en usage dans le Far-West, pour reprendre les animaux au pacage.
C'était un petit corral dans lequel on faisant entrer les animaux du parc et ce «squeezer» permettait de les isoler un par un pour les prendre et les marquer à volonté.
Je fis commencer près du pont de la rivière Gamache, avec l'intention de la continuer tout autour, une route qui était facile à être bâtir, le rivage étant de gravier solide, et l'eau en étant complètement disparue grâce aux drainages faits l'an dernier.
C'était un endroit vraiment agréable avec la vue de la falaise circulaire couronnée de beaux bois dominant la plaine qui descendait doucement jusqu'à la mer.
J'avais, en défrichant, réservé de place en place dans la prairie où cette route allait passer des bosquets de bois entre lesquels on pourrait construire des villas qui auraient de l'eau en abondance, de la bonne terre pour y faire ces jardins, et une vue splendide sur la mer et toute la baie.
Pour donner satisfaction aux habitants, qui depuis le début s'étaient bien conduits avec nous, sans se laisser influencer par les gens de la baie aux Renards, je les réunis, aussi bien ceux de Ste-Claire que ceux de l'Anse aux Fraises, et leur appris que nous allions les indemniser, quoique n'y étant pas tenus, des frais qu'ils avaient fait pour la construction de leurs habitations, qu'ils continueraient à y habiter, sans nous payer aucune redevance, et qu'à l'avenir c'était nous qui en assumerions l'entretien dans le mesure qui nous semblerait utile.
Ils furent également indemnisés des quelques défrichements qu'ils avaient faits.
Cela ne se montait pas à une somme importante, mais eut l'avantage de régler d'une façon définitive leur situation vis à vis de nous, ce qui fut tout à fait à leur convenance.
Je leur fis signer un acte constatant ce qu'ils avaient reçu et l'abandon définitif de tous les droits qu'ils auraient pu avoir dans l'île.
La villa, à mon départ, était entièrement couverte, le chauffage central installé, les murs terminés ainsi que les cloisons intérieures, les portes et les fenêtres posées, tout pourrait être fini pour l'an prochain.
Je quittai l'île le 6 août et J'étais à Québec le 7 au soir. Je descendis chez le Colonel Wilson où j'habitai désormais.
Je fus invité par Lord Minto à un «state-dinner» où il fut question de l'île.
Lord et Lady Minto me chargerait d'exprimer à M. Menier tout le plaisir qu'ils avaient eu l'an dernier lors de leur réception, qu'ils seraient très heureux de retourner à Anticosti et ils m'assurèrent que désormais, je pouvais compter sur leur appui.
Je fis la connaissance du Colonel Gourdeau, ingénieur du Gouvernement, qui faisait les essais du «Druid», croiseur de la Marine Canadienne.
Il me fit part de son désir de nous être agréable et de venir à l'île.
Mr. J.U. Gregory, me remit une carte d'Anticosti où étaient figurés les emplacements des quatre cents naufrages qui eurent lieu près de l'île depuis qu'elle était connue.
Je réglai plusieurs questions avec Mr. Gibsone et M. Levasseur. J'eus plusieurs entretiens avec Sir Louis Jetté et l'honorable Parent.
Ce dernier m'assura que j'aurais bientôt les titres des lots en eau profonde nous donnant la propriété de la baie au Renard, après ceux de Ste-Claire et d'Ellis
que nous avions déjà obtenus.
Ceci nous rendait définitivement maitres de toutes les baies d'une certaine importance.
Quittant Québec, le 11 août, j'arrivai à New-York le lendemain où je rejoignis un ami de Joe Peters, Mr. Reid, marbrier, auquel j'avais envoyé un échantillon du marbre de la rivière Chicotte.
De l'avis de ce dernier et de ses ingénieurs, ce marbre exactement semblable à celui du Tennessee était d'excellente qualité et prendrait un très beau poli.
On me montra plusieurs blocs taillés du Tennessee, dont le grain n'était certainement pas plus beau.
Le nôtre était à encrines donnant de beaux dessins.
Le prix pour faire venir notre marbre à New-York serait moi élevé que celui qu'on payait pour amener celui du Tennessee qui était situé au centre des États-Unis et dont la plus grande partie du transport devait être fait par chemin de fer, tandis que le nôtre pourrait venir par la mer.
J'emportai un morceau de notre marbre et un autre du Tennesse polis, pour les remettre à Menier.
Le jeudi 14 août, je m'embarquai sur le «Touraine», commandant Flageolle, commissaire M. Japhet. Le 21 j'étais au Havre, et à Paris le soir même.
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