L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Nous étudiâmes les moyens d'étudier la défense de l'île et le 9 juillet de cette année, j'envoyais la lettre suivante, qu'il se chargeait de transmettre au Gouvernement d'Ottawa:
9 juillet 1918
Objet de la lettre
Urgence d'organiser la défense de l'île d'Anticosti
À l'Honorable C.J. Doherty
KCNG
Premier ministre intérimaire
Ottawa
Monsieur le Ministre,
En août 1914, j'ai cru devoir comme Directeur Général de l'île d'Anticosti et avant de rejoindre l'Armée Française, attirer l'attention du Gouvernement Canadien sur l'urgence d'organiser la défense de cette île.
Mis en congé l'an dernier, je revins à Anticosti (après 30 mois de campagne comme Capitaine d'Artillerie aux Dardanelles et en Macédoine) et j'eus l'occasion d'exposer au Capitaine Stuart, Commandant le croiseur «Canada» la nécessité d'être en mesure de repousser par la force une attaque possible de l'ennemi, attaque qui pouvait se produire inopinément, des sous-marins allemands étant signalés au large.
À la suite du rapport du Commandant du «Canada» l'Amiral Cooke, chargé de la défense navale du Golfe me télégraphia qu'il allait venir étudier la situation sur place, mais il ne put donner suite à son intention ayant été rappelé subitement en Angleterre,
Je n'ai depuis plus de nouvelles de lui.
La présence de nombreux sous-marins ennemis dans les eaux américaines, me force à renouveler auprès du Gouvernement mon appel de 1914 pour la mise en défense d'Anticosti qui offre à l'ennemi une base de premier ordre pour ses sous-marins, avec tous les moyens de s'y organiser et de s'y maintenir si on les laisse s'en emparer.
Il y a lieu de prévoir, comme inévitable, que ses sous-marins viendront dans le Golfe du St-Laurent.
Le détroit de Cabot qui a 60 milles marins de largeur ne peut en aucune sorte leur être interdit.
Ils le traverseront comme un bras de mer ordinaire.
Une fois dans le Golfe, n'ayant rien à craindre, ils se dirigeront vers la Pointe Est d'Anticosti qui serait la première à s'offrir à eux et y détruiraient la phare et le grand poste de T.S.F. qui s'y trouve.
Remontant ensuite le long de l'île ils détruiraient successivement avec leur artillerie, le phare de la Pointe Sud ouest et couperaient le câble sous-marin du télégraphe qu'y atterrit.
Trente milles plus loin, ils seraient devant nos établissements de la Baie Ellis, où vu l'absence de défense, ils débarqueraient en toute facilité et s'empareraient des lieux.
Là, ils trouveraient tout ce qu'il leur faudrait pour leur ravitaillement; magasins garnis de marchandises de toutes sortes, entrepôts, ateliers de réparation, forges, hôtel, dépôt de charbon, camps pour leurs hommes, animaux de bouchère, etc..
En un mot tout ce qu'il leur faudrait pour organiser une base pour sous-marins et s'y maintenir.
De là, ils commanderont le Golfe et couleront avec toute facilité les navires venant les attaquer, remontant le fleuve ou le redescendant.
Ce serait l'embouteillage de Québec et de Montréal.
Mes connaissances personnelles de la situation me font un devoir impérieux de signaler le danger de cette éventualité, et de dégager en le faisant, ma responsabilité des conséquences graves qui pourraient résulter de ma négligents à vous prévenir.
Les mesures que je crois devoir être prises d'urgence pour parer au plus pressé so;nt les suivantes:
Envoyer de suite à baie Ellis, un croiseur en surveillance.
Y expédier une batterie de canons de campagne au mieux, deux pièces de marine à tir rapide de 120 ou 105 mm. pour la baie Ellis.
Envoyer 300 fusils pour l'armement des habitants, avec 500 coups par fusil et 5 mitrailleuses avec 20,000 coupe.
Mobiliser sur place le personnel de l'île pour la défense.
Faire défense aux pêcheurs de la Côte Nord du Labrador, et de celle de Gaspé de venir dans les eaux de l'île pour éviter l'espionnage qui se fait, nous voulons bien le croire à leur insu, mais sous le couvert depuis le commencement de la guerre.
Faire installer deux pièces de campagne aux phares de la Pointe du Sud ouest et de l'est et aussi si possible une pièce à chacun des autres phares de l'île,
M. le Sénateur Gaston Menier, dont j'ai les pleins pouvoirs et l'entière approbation, comme ex-capitaine d'Artillerie Français, je mets, Monsieur le Ministre, à votre entière disposition pour m'occuper à organiser et diriger la défense, si le Gouvernement voulait utiliser des autorités militaires canadiennes.
Je resterai à l'île jusqu'en octobre, époque à laquelle la saison des attaques possibles serait passée, et rentrerai alors en France pour revenir au printemps 1919 me mettre de nouveau à la disposition de votre Gouvernement.
Veuillez agréer, etc...
Capitaine Martin-Zédé, Directeur Général de l'île d'Anticosti M.C.
À la suite de cette lettre, je montai à Ottawa et fus informé que ma demande allait être prise en considération et qu'un navire allait m'apporter le matériel d'artillerie et les munitions demandes, mais l'armistice qui survint sur ces entrefaites, en arrêta l'exécution...
Le Gouvernement m'avait demandé lorsqu'il avait été question de me charger de la défense de l'île, de me faire sujet canadien, j'avais promis de le faire estimant que je pourrais ainsi rendre service au pays, qui était venu spontanément au secours de la France lors de la déclaration de guerre, et dont j'avais accepté l'hospitalité depuis plus de vingt ans et où j'avais joui du sentiment fraternel des Canadiens de la province de Québec pour nous, aussi attachés à notre pays que nos concitoyens de France.
Mais ce ne fut que l'année de la vente de l'île que je réalisai la promesse faite et que je devins sujet de sa majesté Britannique.
L'Honorable Philippe Roy, l'éminent haut Commissaire du Canada à Paris ainsi que l'Honorable Adélard Turgeon, Sir Lomer Gouin et L'Honorable Alexandre Tashereau, s'entremirent aimablement pour me faire obtenir ma nouvelle nationalité et je leur en suis très reconnaissant. Je n'étais pas indésirable.
Comme les années précédentes, je continuai à aller avec nos amis canadiens et certains membres de la famille Menier, pêcher le saumon à la rivière Jupiter, et voici le résumé de cette pêche pendant les 28 années que nous la fîmes, qui peut avoir un certain intérêt au point de vue sportif ayant toujours tenu à jour un livre de nos prises, au moyen de feuilles individuelles que chaque intimé devait me remettre indiquant le nombre des saumons pris, avec le poids, le temps de prise, les mouches employées et les remarques que chacun jugeait bon d'y ajouter.
Résultats de la pêche au saumon
Rivière Jupiter 1895 à 1928
Mouches employées
Total... 2336
Plusieurs pavillons pour la pêche au saumon avaient été terminés et le premier fut loué à Mr. Allan Wilson de Philadelphie, sportsman réputé qui s'installa à «Otter River» où le vint chaque année passer un mois avec sa famille.
Peu à peu, tous les autres pavillons furent successivement loués à d'autres amateurs de pêche à la truite et au saumon, au fur et à mesure de leur achèvement.
Quand une dizaine de ces pavillons furent loués, notre petite vedette no 2 ne suffit plus au ravitaillement de ces pavillons et des postes de gardiens autour de l'île.
Avec nos propres moyens, nous mîmes sur chantier un bateau deux moteurs à pétrole ne calant qu'un mètre (pour pouvoir entrer dans les embouchures de toutes nos rivières, il devait filer 10 noeuds et porter une voilure de deux mats goélette.
Un driver qu'on pouvait remonter donnait le cas échéant, l'appui voulu aux voiles. Sa longueur fut de 48 pieds, il fut achevé en 8 mois et lancé le 1er juin 1923 sous le nom de «Joliet».
Depuis, il nous donna satisfaction et nous aida grandement dans la répression du braconnage.
Les chantiers maritimes de Montréal n'auraient pas fait mieux, ni aussi bon marché, ce bâtiment nous coûta 12,000 dollars.
Le docteur Grenfeld avait importé à Terre-Neuve un troupeau de Rennes de Norvège pour essayer d'en faire l'acclimatation au Canada comme animaux pour tirer les traineaux sur la neige.
Il avait amené les Lapons pour en prendre soin le Gouvernement avait acheté le troupeau et l'avait mis au Labrador dans l'île de Lobster Bay.
Ces animaux dépérissaient et le troupeau qui était de 1200 à l'origine, tomba rapidement à 200.
Pensant que ces animaux trouveraient bien leur nourriture à Anticosti dans nos vastes plaines de mousse, dont ces rennes font leur unique subsistance, et y prospéreraient, je demandai au Gouvernement de nous les y faire transporter étant donné que nous nous engagerions à ne devenir propriétaire du troupeau qui nous serait envoyé qu'après en avoir donné cinq pour un.
L'arrangement fut accepté et l'«Aranmore› commandant Hearn nous les transporta à l'île.
Tous furent emmenés par le train dans une de nos plus grandes plaines et s'y convinrent bien.
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