L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Or, malgré cette énorme destruction, nos rivières étaient abondantes en saumons et en truites. Quel immense marché aurions-nous donc si nous arrivions à détruire ou à diminuer ces redoutables animaux.
C'était une expérience à tenter qui en valait la peine.
En tout cas, à partir de ce jour, je donnai l'instruction à nos gardes d'en faire la chasse par tous les moyens possibles et de donner toutes facilités aux pêcheurs étrangers à l'île de les prendre au filet ou au fusil, ce qui avait toujours été strictement prohibé auparavant.
Une organisation définitive de nos pêcheries s'imposait.
Je travaillai la question, avec Mc. Quinn, le chef de nos homarderies.
Des expériences devaient être faites au point de vue du transport du homard vivant.
En effet, le homard du nord dit «blue lobster», identique comme aspect à celui des côtes de l'Atlantique en diffère cependant, à part sa couleur plus bleue, par sa moindre résistance, aux points de vue de la manutention et du transport.
Les pêcheurs de l'Atlantique ont coutume pour empêcher que ces crustacés ne se déchirent entre eux, quand on les met dans des réservoirs pour le transport, de leur mettre dans la jointure des grosses pinces, des cales en bois, qu'on enfonce avec un maillot, pour les immobiliser.
Nous fimes plusieurs transports de nos homards dans ces conditions, et nous pûmes rapidement nous rendre compte combien ce système déjà mauvais pour le homard de l'Atlantique était funeste à ceux d'Anticosti.
Par la blessure faite par la cale de bois enfoncée d'une demi-pouce dans la chair, le sérum s'échappait et l'animal était mourant au bout de trois ou quatre jours.
En faire le transport dans ces conditions d'abord dans un navire, puis dans des wagons, avec les retards et toute la manutention indispensable en rendait la réussite aléatoire.
Après plusieurs essais, nous nous avisâmes d'un autre moyen qui nous donna entièrement satisfaction.
Ayant remarqué que le homard, qui a une énorme puissance dans ses pinces par la préhension, n'en avait aucune dans l'extension, nous pensâmes à lui garnir les dites pinces fermées, avec des bandes caoutchouc qui les empêcheraient de s'ouvrir.
Ayant trois tailles de homards, les petits, les moyens et les grands, nous prîmes des tuyaux de caoutchouc de trois grandeurs différentes, et d'un pouce diamètre l'autre d'un pouce et demi et le dernier de deux pouces.
Dans ces tuyaux nous découpâmes des rondelles d'un demi centimètre de largeur pour les petits et les moyens et d'un centimètre pour la grande taille.
Ces rondelles étaient très facilement passées autour des pinces fermées, elles restaient parfaitement en place à cause de la rugosité des dites pinces et les maintenaient bien fermées sans nuire en rien au homard.
Nous pûmes en conserver ainsi dans des boites-viviers, enfermées ensemble plus de huit jours, sans qu'ils souffrissent aucunement.
Un bâtiment spécial était nécessaire pour opérer nos transports des endroits de pêche au chemin de fer.
Il devait avoir au moins six cents tonneaux de déplacement, ne caler que dix pieds, donner une vitesse de 12 noeuds à l'heure,
Il devait être renforcé à l'avant et sur les côtés par d'épaisses tôles de fer pour les glaces.
Le pont devait être très dégagé, n'ayant pas besoin de superstructures pour loger le personnel réduit qu'il comportait, et donner tout l'accès possible aux hiloires des cales.
Ce bâtiment devait avoir toute la partie hors de l'eau divisée en séparations où seraient les chambres froides pour les transports du poisson frais mis dans de la neige et la partie en dessous de la ligne de flottaison en viviers avec cloisons pour éviter la trop grande accumulation en certains endroits et avoir une égale répartition des homards vivants.
Ces viviers communiqueraient avec la mer dont l'eau circulerait librement partout.
Il avait avoir deux hélices lesquelles tourneraient de l'intérieur à l'extérieur pour repousser les glaces, celle de tribord tournant dans le sens des aiguilles d'une montre, celle de bâbord, en sens inverse.
Nos homarderies de la baie au Renard et celle de Goose-Point, tout ne continuant à opérer une certaine fabrication de boites de conserve.
Car nous devions en faire pour nos magasins qui, avec l'accroissement de la population en avaient besoin, serviraient pour la mise en caisse des saumons et des truites, qui se ferait dans la neige, bien meilleure pour le transport du poisson frais, que la glace.
De grandes neigières seraient construites à 10 endroits autour de la partie est de l'île où seraient nos pêcheurs.
Nous avions déjà à la baie au Renard, la scierie qu'il nous fallait pour la confection de nos caisses, de viviers flottants, des trappes, etc... et nous avions tout le bois de charpente et les places nécessaires à la construction de ces glacières et des maisons qu'il fallait prévoir pour nos pêcheurs.
Restait donc à faire l'acquisition du terrain à Gaspé, où nos bâtiments viendraient faire leurs déchargements, où nous aurions des viviers, un magasin, une glacière, des entrepôts et un bureau, et où se ferait le chargement des wagons destinés à l'expédition sur le continent du poisson dans des réfrigérateurs par chemin de fer, et des homards dans les wagons viviers que la Cie avait pour ces usages.
Je me rendis avec Mc. Quinn à Gaspé et visitai les lots de terrains en eau profonde qui pourraient nous convenir à part celui que j'avais trouvé lors de ma dernière visite.
Mr. Scoles, directeur de la Cie du chemin de fer, me fit voir plusieurs emplacements, dont un appartenant à la Cie, où il y avait deux grands bâtiments où nous aurions pour installer nos bureaux, notre magasin et notre glacière.
J'en vis plusieurs autres de dimensions différentes avec facilité d'y faire venir la voie, la ligne étant toute proche.
Je ramenai plusieurs propositions d'achat et de location et j'allais les soumettre à Paris, à mon retour.
Le 9 juillet, mes amis MM. Turgeon, Taché, Gibsone, arrivaient de Québec et nous partimes M. Jacquelin et moi pour la pêche au saumon à Jupiter.
À cinq en 11 jours, nous prîmes 225 saumons, le plus gros étant de 20 lbs et la taille moyenne de 7 lbs 7.
Nous n'eûmes pas à souffrir des insectes qui véritablement avaient disparu, aussi bien les maringouins que les mouches noires.
Le 12 août, nous réussimes à la haute mer à déséchouer la goélette «Roseway» qui était au plein à l'Anse au Fraises et nous l'amenâmes au quai.
Le Savoy la remorqua à Québec où nous la mîmes en vente après une réparation de 2,000 dollars.
Durant l'été, nous reçumes la visite du yacht «Alcestis» appartenant à Mr. Cockburn de la Banque de Montréal qui avait avec lui Mr. Sharp.
À bord du «Saskatoon», un de nos bateaux pour le transport du bois arrivèrent: Mr. Flint, représentant de la maison Mc. Intosh et Seymour, Mr. Griffin, gérant général de l'International Paper Co., Mr. Lewel et Mr. Stenson de la maison Crooker-Wheller de Montréal.
Le colonel Anderson, député ministre de la marine, vint à bord du «Earl Grey» pour faire l'inspection de nos deux phares, qui fonctionnaient depuis le printemps et en trouva l'installation parfaite.
Il me promit la bouée à cloche que j'avais demandée pour l'entrée de la baie Ellis.
Cette année, le nombre des cerfs de Virginie avait tellement augmenté que je commençai à en tuer pour le magasin.
Jusqu'ici je n'avais autorisé les gardes qu'à en tuer exceptionnellement dans leurs exploitations dans l'île.
Ce n'était que sur la demande du marché qu'ils devaient les tuer. Ils ne tuaient que les mâles d'au moins trois ans, ne devaient les tirer qu'au cou pour ne pas en abimer la chair et surtout pour ne pas les blesser, auquel cas ils étaient toujours perdus, car n'ayant pas de chiens, ils était impossible de les retrouver dans le bois absolument impraticable.
En ne les tirant qu'au cou, ou ils étaient tués net ou ils étaient manqués.
Cela empêchait le gaspillage.
Ils ne devaient les tirer qu'à courte portée, jamais à plus de 100 mètres et aussitôt tués devaient les saigner et les vider.
Arrivés à la boucherie, ils étaient en parfait état et étaient débités au prix du boeuf.
Ils devaient noter sur leurs agenda respectifs, tous les animaux tués par eux et en rendaient compte au bureau de la comptabilité.
Avant mon départ plus de 50 cerfs avaient ainsi été débités au marché et la viande venait en déduction de celle du boeuf, ménageant ainsi notre troupeau d'une façon appréciable.
Nos cerfs étaient de bien plus grande taille que ceux du continent et n'étant jamais pourchassés par les loups ni par les chiens qui n'existaient pas dans l'île, étaient très gras, donnant généralement de 50 à 60% de viande utilisable sur les abats comme nos boeufs Durham, quand au Canada ils ne donnent jamais plus de 20 à 25%.
Nos cerfs de trois ans et plus pesaient généralement environ 250 livres et donnaient donc 150 lbs de viande utilisable.
La peau était salée et vendue à Québec.
Je donnai des instructions strictes pour que cette organisation fut suivie à la lettre, car je savais qu'autrement la passion de la chasse aurait donné à nos gardes l'idée qu'ils pratiquaient un sport pour leur agrément et la dévastation n'aurait pas eu de limite.
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