L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Le camp à Kokko qui maintenant était libre, les «jobbers» s'étant transportés plus loin, allait nous servir à organiser notre première ferme.
Il fut décidé qu'un train pour les défricheurs serait formé à Port Menier avec 2 wagons pour les hommes, l'autre pour les barrages, 1 wagon pour servir de réfectoire, et 2 plates formes pour transporter les outils, voitures, charrues, etc.. Les chevaux demeuraient sur place au camp.
Ce train partirait chaque semaine le lundi, resterait sur une voie d'évitement pendant le temps du travail et rentrerait avec son personnel, tous les samedis soir.
La seconde station était celle du lac Princeton, très beau lac près duquel la voie bifurquait, une partie allant vers le Nord de l'île, l'autre vers l'ouest.
C'était lui qui alimentait le Lac St-Georges par la rivière aux Castors.
La voie qui se dirigeait à l'ouest vers le lac Connaught passait près du lac Princeton en remblais et un pont avait été fait pour laisser passer la rivière aux Castors, qui était la décharge de ce lac.
Le dit remblais avait à cet endroit 7 mètres de hauteur, formait un talus s'étendant à 400 mètres de chaque côté du pont.
Il pourrait être utilisé pour servir de barrage au lac, en y mettant une pelle refond pour retenir l'eau à volonté et la faire monter selon les besoins pour avoir une réserve d'eau considérable pour le lac St-Georges. Il fut décidé qu'on allait faire ce travail
Trois milles plus loin, nos arrivâmes au Lac Connaught.
Il pouvait avoir plusieurs milliers d'hectares, au mileu était une île éloignée du bord d'environ 500 mètres.
Je fis mettre des embarcations à l'eau et nous nous rendîmes dans cette île qui avait un petit port naturel bien protégé où plusieurs canots étaient à l'abri.
L'île était bien boisée. Je prescrivis de ne pas en couper le bois, pour la garder intacte.
Avec peu de travail, on pourrait la débarrasser des arbres morts, y faire un camp pour les ingénieurs et les visiteurs.
Le lac était rempli de belles truites, nous en prîmes beaucoup à la cuiller dont la taille était de deux à trois livres.
Quantité de canards et d'oies sauvages y résidaient ainsi que nombre de pluviers, de mouettes et de goélands.
Beaucoup de bois ayant été coupé sur les bords du côté de l'arrivée de la voie, la troisième station serait à cet endroit.
Nous n'allâmes pas plus loin. Le terrassement n'étant pas encore terminé.
La pelle à vapeur travaillait à sa continuation.
On avait trouvé une colline de gravier, où on prenait le ballast pour la voie très économiquement.
Un triangle avait été fait près du lac avec la voie pour permettre aux trains de changer de direction sans plaques tournantes, nous pûmes donc avec notre train, faire demi-tour et rentrer à Port-Menier après ce très intéressant voyage.
L'hôtel était entièrement terminé et en plein fonctionnement.
Le service des travaux avait besoin d'un autre camp pour ses équipes et d'écuries pour ses chevaux, car nous avions mis nos hommes provisoirement dans le hangar des locomotives qui n'était plus disponible en ce moment, et donné son camp au service forestier pour y mettre les écuries de chevaux.
Nous commençâmes un grand camp plus loin de l'hôtel, où 300 hommes seraient logés.
Ce camp fut divisé en deux corps de bâtiments avec étage, escaliers aux extrémités et cuisines au centre.
Chaque division ayant à loger 150 hommes avait sa cuisine et son réfectoire indépendants.
Je décidai la construction d'une grande salle des fêtes dite «salle de réunion». Elle se composait d'une grande salle où l'on donnerait des représentations de théâtre et de cinéma. Y étaient adjoints un bar, une bibliothèque et deux pièces pour la lecture et les jeux.
C'était un véritable club qui eut ses règlements et son administration et qui devenait indispensable pour le personnel qui, ainsi étant loin du monde, en aurait au moins quelques-uns des agréments.
L'église fut construite sur la place en face de l'administration avec clocher. Nous y mimes les cloches de France qui étaient à Ste-Claire.
En annexe, se trouvaient le presbytère et l'école. L'église comme tous nos bâtiments était en bois, mais de vaste dimension. 600 personnes y trouvaient place aisément, le Père Leventoux s'y installa avant mon départ, l'église de Ste-Claire ne servit plus qu'en de rares circonstances, le presbytère et l'école furent désaffectés et servirent de magasin de réserve.
Il en fut de même pour la chapelle de l'Anse aux Fraises qui n'avait plus d'utilité, elle fut désaffectée et devint une grande écurie dans laquelle on put mettre pendant l'hiver 50 bêtes à cornes, ce qui soulagea d'autant la ferme St-Georges.
L'exploitation de la homarderie ne donnant pas de bons résultats, comme dit plus haut, nous décidâmes d'en diminuer l'importance de moitié.
Le Capitaine Doggett nous quitta et nous gardâmes que Mr. Mac Quinn, le personnel pêcheurs et paqueteurs fut réduit en conséquence.
J'allais me rendre à Gaspé et y chercher un terrain pour y faire le centre de nos pêcheries, mais auparavant, je m'occupai d'une question vitale pour réaliser ce projet d'avenir, celle de la destruction des «loups marins» qui ravageaient les rivages de l'île et prélevaient une dîme sur le poisson, dont nous n'avions pas jusqu'ici réalisé l'importance.
La première question qui se présentait était de savoir quel était le nombre de ces loups marins. Ils étaient de deux espèces, le phoque ordinaire tacheté et la tête de cheval, grand animal ayant souvent jusquà 15 pieds de longueur,
Il y avait bien encore une autre espèce dite «poche», ainsi nommé à cause d'une grosseur qu'il porte sur le cou et qui forme un capuchon, qu'il relève par-dessus la tête quand il est irrité.
Mais cet animal a pour ainsi dire disparu. Inutile également de parler du morse «Walrus» qui ne vient à l'île que l'hiver et qui, du reste, est un herbivore,.
Je fis un référendum parmi tous nos gardes pour qu'ils indiquassent chacun le nombre qu'ils croyaient y avoir de phoques tachetés et de têtes de cheval.
Le résultat du référendum fut le suivant:
La seconde question fut: quelle quantité ces animaux pouvaient-ils manger de poissons par jour?
Résultat:
Mais nous savions par expérience ayant souvent pris dans les filets des saumons entièrement mis en pièces par les loups marins, qu'ils en détruisent infiniment plus qu'ils n'en mangent, prenant souvent une bouchée seulement dans un gros saumon de 30 livres et l'abandonnant ensuite. Lequel saumon était perdu.
La troisième question fut donc quelle quantité de poisson était détruit chaque jour,.
Résultat:
La destruction totale par jour était donc de:
Or quels étaient les poissons dont se nourrissaient principalement ces animaux: le saumon, la truite, le hareng. Exceptionnellement la morue et le capelan.
De l'avis général, la principale nourriture était le saumon qui ne quittait jamais les rivages de l'île que pour monter ses oeufs dans le haut des cours d'eau, mais dont une grande quantité restait cependant dans la mer.
Ensuite, venait la truite qui montait chaque jour avec la marée dans les embouchures des rivières pour redescendre avec le jusant et qui restait dans la mer constamment pendant l'hiver.
Cette truite de mer ne pouvait jamais atteindre une taille supérieure à 2 ou 3 livres, comme nous l'avions observé, car de plus grandes taille elle ne pouvait échapper aux loups marins comme je l'ai déjà expliqué.
Enfin, le hareng qui était leur proie préférée pendant l'unique mois de juin, au moment où il viennent jeter ses oeufs dans les baies de l'île et où les phoques le suivent et en font une destruction énorme.
La morue et le capelan ne pouvaient leur servir que d'appoint.
En faisant le calcul en n'envisageant que 300 jours de l'année, les 65 autres jours étant laissés à part pour la destruction du hareng, de la morue et du capelan et sans tenir compte de ces derniers, nous arrivions aux chiffres suivants en livres de saumons et truites annuellement:
Total général de la destruction: 1,650,000,000 livres!
Considérant que la valeur marchande est la même pour le saumon que pour la truite et en la calculant au prix de 20 cents la livre, la perte donc chaque année causée par les loups marins pourrait être évalué à 330,000,000 dollars!
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