L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Resterait le transport par navires de la pulpe de Clarke-City et d'Anticosti au Bush Terminal.
Il pourrait se faire par deux navires de 3,000 tonnes qui appartiendraient à l'association, qui chargeraient d'abord à Clarke City, une certaine quantité de pulpe dont le complément serait ensuite pris à Anticosti, et qui viendraient amener leur chargement à Brooklyn ne passant pour y aller par le détroit de Canso, ce qui abrègerait la route.
Comme fret de retour, ces bâtiments passant par la Nouvelle-Écosse, viendraient prendre du charbon à Sydney et le transporteraient à Clarke City et à Anticosti qui ont besoin de beaucoup de combustible à cause des usines et du chemin de fer, qui existe dans les deux places.
Ils rendraient également soit à Halifax, soit à Sydney, les pyrites de souffre pour la fabrication de la liqueur de bi-sulfite de soude nécessaire à la cuisson de la pulpe chimique.
Nous n'avions pas besoin de faire transporter le calcaire, comme doivent le faire d'autres moulins, celui-ci étant en abondance dans l'île.
Nous avions l'expérience que pendant l'hiver, la navigation était possible pendant toute l'année entre Anticosti et l'Est du Golfe,
Le «Montcalm» venait régulièrement quelquefois deux fois à la baie Elis et rien n'empêcherait les navires de venir à l'île et de repartir vers l'est du golfe.
En ce qui concernait Clarke-City, la glace ne pouvait être une difficulté que pendant moins de deux mois et il était facile d'activer les transports de pulpe mécanique pendant le printemps, l'été et l'automne pour n'avoir pas à en faire pendant ces deux mois d'hiver.
Mr. Eshbaugh qui était avec nous pendant ces conversations, connaissant bien la question de la pulpe et du papier fut très intéressé, et il fut convenu entre nous que nous allions dès l'arrivée de M. Menier, lui exposer la situation.
Ces messieurs, de leur côté, nous dirent qu'ils étaient disposés à faire visiter leur usines à Clarke-City et au Bush Terminal, et attendraient la visite de M. Menier.
Dans le commencement d'août, je reçus la nouvelle que le chemin de fer de Gaspé venait d'être ouvert au trafic, et qu'en octobre le service des voyageurs commencerait.
Il était donc possible de réaliser l'idée d'avoir en cette ville un établissement pour y faire un dépôt de poisson frais et y transporter nos homards vivants.
Il faudrait acquérir un emplacement près de la ligne du chemin de fer où nous aurions accostage pour nos bâtiments, une glacière, un magasin un bureau et un personnel à nous.
La homarderie cette année avait à peine rapporté ce qu'elle nous coûtait.
Notre fabrication était d'un prix trop élevé, le soin que nous donnions à la préparation des conserves ne trouvait pas sa rémunération.
La propreté que nous y apportions avec un personnel choisi, de femmes aux mains soignées habillées de vêtements blancs, l'eau distillée employée, n'en augmentaient pas la qualité, et le goût de la conserve n'était pas meilleur que ce que les pêcheurs ordinaires, installées rudimentairement, sans soins de propreté, livraient sur le marché.
Le prix de nos boites état le même que celui qu'on leur donnait, mais nous n'y faisions qu'un faible bénéfice, tandis qu'eux gagnaient largement leur vie.
Était-il véritablement raisonnable de continuer sans bénéfice appréciable à détruire des centaines de mille homards chaque année pour un si maigre résultat?
Nous devions au contraire cesser notre fabrication et nous organiser pour la capture, le transport et la vente du homard, dont la taille commençait déjà à diminuer et qui laissé au repos pendant un ou deux ans, nous fournirait des homards de la taille moyenne de 13 à 14 pouces, taille la plus appréciée sur le marché Américain.
Il fallait de 4 à 5 de ces crustacés pour garnir une boite d'une livre, car la viande seule y était contenue, tandis que des homards vivants étaient vendus au poids avec leur carapace qui constitue plus des 3/4 du poids total.
Cinq de 2 livres se vendaient aisément de 12 à 15 dollars, tandis qu'une boite les contenant ne se vendait que 25 cents.
Il fallait aviser à changer notre méthode et cela dans le plus bref délai.
Les visites furent nombreuses cette année. Nous eûmes celle de Mr. Hunter, sous-ministre des Travaux Publics, du Commodore James Howden, avec lesquels j'eus des entretiens au sujet des subsides que le Gouvernement pourrait nous octroyer, comme cela avait été fait pour Clarke City, pour la construction de notre chemin de fer.
Deux mille dollars avaient été donnés par mille construit à d'autres entreprises similaires et je sollicitai le même traitement.
Nous avions aussi besoin pour l'entrée de la Baie Ellis d'une bouée à cloche pour en signaler l'entrée aux navires en tout temps. Le ministre m'assura que nous allions l'avoir.
Le Baron et la Baronne de Mandat-Grancey, le Vicomte et la Vicomtesse de Flers, nous firent l'honneur de leur visite.
Il y eut aussi celle de son Honorable Sir François Langelier, Lieutenant Gouverneur de la Province, et du Capitaine et de Mme Victor Pelletier, leur aide de camp.
Notre nouvelle exploitation les intéressa beaucoup et ils nous assurèrent de toute la sollicitude du gouvernement pour notre entreprise.
Le 26 aout, M. Menier arriva sur la Bacchante. Il fut très satisfait de l'avancement des travaux et de l'organisation du servie forestier.
Je lui fis part de l'invitation que m'avait chargé de lui transmettre MM. James Clarke et Newcombe pour venir visiter Clarke City et le Bush Terminal et le mis au courant des conversations que nous avions eues ensemble au sujet de l'entente projetée pour la nouvelle organisation qu'ils avaient l'intention de lui proprosé. Il décida de se rendre de suite à Clarke-City.
Le 19 septembre, nous partîmes avec la Bacchante et nous étayons le lendemain aux Sept-Iles, où Mr. James Clarke et Mr. Newcombe nous reçurent.
Ils nous montrèrent tous les établissements et lui firent l'exposition complète du nouveau plan d'association dont les grandes lignes exposées plus haut, l'intéressèrent au plus haut point.
La station de pêche à la baleine de Mr. H. Sörensen (de Kjöle/Nôtero en Norvège) était à proximité.
J'avais du directeur de la Société, M. Willy Garissen de Christiania, l'autorisation permanente d'embarquer sur les navires baleiniers de cette Cie pour la pêche à la baleine et obtins que M. Menier assistât à une des sorties d'un des bateaux, permission qu'on obtenait difficilement, car l'année dernière, il y avait eu un accident qui montrait les dangers de cette pêche.
Une baleine harponnée ayant frappé le bateau par le travers des machines et l'ayant coulé.
Nous embarquâmes sur le «Norge» de 300 tx, capitaine Markiessen (qui avait pris 600 baleines au canon) dans la matinée et partîmes à la recherche d'une baleine dans le golfe.
Nous en vîmes plusieurs dans la journée, mais aucune d'abord ne vint à portée.
L'approche de la baleine se fait de la manière suivante. Quand on en aperçoit une en surface la bouche grande ouverte, pour prendre les petits poissons «Whale-bait»
(appât à baleine) dont elle se nourrit, on s'en approche rapidement (le bâtiment marchant à 14 noeuds de vitesse), en tâchant de la gagner en avant.
Arrivé à une encablure et demie (environ 300 mètres) le capitaine stoppe la machine et le navire file sur son ère ne faisant plus aucun bruit, la baleine resta environ 10 minutes sous l'eau et 10 autres minutes en surface, il faut trouver le moment où elle remonte et tâcher de l'avoir à porter du canon.
Cette pièce de fort calibre, est installée sur le gaillard d'avant et peut tirer sous un angle horizontal de 45 degrés à droite et à gauche.
Elle est munie d'un fort harpon de 2 mètres de long, dont la moitié sort de la bouche de la pièce et dont la hampe est entaillée d'une longue gorge dans laquelle est fixé un anneau qui contient le bout du câble dont une partie est lovée sur le pont à côté de la pièce et qui va s'enrouler sur un tambour mû par le vapeur.
La pièce étant montée sur affût à crinoline, pivote sur son axe et se dirige à la main vers l'endroit où le tireur veut la pointer.
La distance du tir ne doit pas excéder 40 mètres, vu le poids du harpon et celui du cordage qu'il entraine.
Quand la baleine sort de l'eau à proximité de l'avant, le capitaine dirige le navire sur elle et le teilleur la jugeant à portée pointe la pièce dans sa direction, l'incline à 45 degrés en l'air et tire.
Si la baleine est frappée, le câble se déroule quelquefois sur plus d'un mille de longueur, car l'animal descend à de grandes profondeurs, puis le guideau est mis en marche pour ramener le câble le plus rapidement possible pendant que le capitaine met le bâtiment en marche arrière à toute vitesse.
Quelquefois, de l'endroit où la baleine est touchée, la prise se fait assez rapidement, puis d'autres fois, il faut plusieurs heures avant de l'avoir.
Après deux essais sans résultat, je demandai de me mettre au canon. Menier était sur la passerelle avec un appareil de prise de vues animées, il faisait beau, le soleil en arrière quand trois grandes baleines vinrent par le travers, naviguant de conser en file les unes derrière les autres.
Le capitaine stoppa la machine et la première des trois passa devant l'étrave à environ 60 mètres, le navire continuant sur son erre, la seconde me sembla à distance possible, je tirai et au choc elle pointa en l'air sortant presque de l'eau, produisant une lame qui me couvrit à mi-corps, puis elle disparut et le câble ne fut pas entrainé.
Je l'avais tiré un peu loin, et le harpon l'avait frappé dans le bas du ventre, ce qui expliquait son saut, mais ne lui avait fait qu'une entaille.
Elle était manquée, mais je me retournai vers Menier et je lui dis que le film qu'il en avait pris devait être réussi, il était en effet rare d'avoir une baleine sortant de l'eau et produisant un tel remous.
Par malheur, Menier m'expliqua qu'il avait bien tourné l'appareil de prise de vue, mais qu'au coup de canon, son étonnement avait arrêté sa main et que nous n'aurions pas la vue complète.
Quand il développa le film, on vit bien les baleines approcher et le canon dirigé sur elle, puis un nuage blanc et c'était tout, quel beau film manqué.
Nous quittâmes Clarke City, et il fut entendu que nous retrouverions Mr. Clarke et Mr. Newcombe à New-York pour la visite de la papeterie du Bush Terminal.
Nous mouillâmes à l'entrée des Sept-Iles où nous rendîmes visite à Mgr. Blanche, le chef des Pères Eudistes de l'île.
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