L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Le chemin de fer à voie normale qui devait pénétrer à l'intérieur de l'île et de chaque côté duquelle on devait prendre le bois de pulpe pour le conduire au moulin des écorceurs était en voie de construction.
Le fer était déjà posé, du bout du quai en passant devant l'administration, le long du canal, et à droite du lac St-Georges jusqu'à l'endroit où la rivière aux Castors venait s'y déverser.
À l'extrémité du quai, on avait aussi procédé au mouillage du premier des cinq grands caissons qui allaient permettre aux navires venant charger le bois de pulpe d'accoster et d'y rendre leurs chargements.
Sur ces caissons, on allait construire un «tressell», sorte de praticable sur lequel les locomotives refouleraient 5 wagons pour les monter jusqu'à la hauteur suffisante pour permettre aux wagons à renversement de déverser leur chargement directement dans la cale des dits navires.
Des «chutes», sortes d'entonnoirs inclinés en bas dirigeraient le bois en dehors du quai pour qu'il puisse tomber dans les cales.
Je fis le projet d'un hôtel de 50 chambres avec un grand hall dans lequel se trouverait le bureau.
Deux grands salons, un autre pour les dames, un fumoir, un grand vestiaire, des toilettes, un salon de coiffure, un grande salle à manger, une autre plus petite, un office, une cuisine, une salle à manger pour le personnel et un magasin général, occupaient le rez-de-chaussée.
Au premier, en façade, 20 chambres à coucher, en arrière 10 autres chambres avec plusieurs douches et salles de bains.
Au deuxième, 20 chambres avec également salles de bains et prises d'eau pour le service.
Sur la façade de l'hôtel s'étendrait une large véranda avec au milieu un grand escalier pour y accéder, le rez-de-chaussée étant construit en surélévation d'un mètre au dessus du sol.
Cette année, nous n'eûmes réellement plus à souffrir des moustiques. Ce fut une véritable délivrance. Nos expériences avaient réussi au delà de ce que nous espérions.
Nos ouvriers travaillaient sans «smudge» fumées de bois sans lesquelles il leur était impossible de faire le moindre ouvrage.
Même à la rivière Jupîter, où autrefois nous étions assaillis par des nuages de moustiques, nous pûmes y pêcher sans voiles et sans gants.
Du reste, nos cerfs commençaient à augmenter rapidement et je commençais à en tuer sans avoir à les ménager.
Quant aux lièvres ils s'étaient répandus dans toute l'île. On en voyait partout et dans nos excursions, ils constituaient un appoint appréciable pour notre nourriture.
Les anciens du pays n'en revenaient pas et les Canadiens qui venaient du Lac St-Jean ou de la Gaspésie ne pouvaient croire que sur l'«Anticoste» on put si peu craindre ces affreux «maringouins» qui avaient donné à notre île sa pitoyable réputation.
Au quai, nous primes pour la première fois des éperlans qui provenaient de ceux que nous avions mis là en provenance de Gaspé et qui s'étaient bien reproduits.
Depuis le départ des chiens, le Docteur avait pu constater que la mortalité des enfants avait diminué dans la même proportion que l'année précédent, c'est-à-dire de plus de 60%.
Au moment où nous allions intensifier notre exploitation, cette amélioration des possibilités de l'existence à Anticosti nous était d'un grand encouragement.
Plusieurs fois dans nos déplacements autour de l'île, nos avions trouvé sur le rivage des pierres noires dites «oil salles» qui sentaient fortement le pétrole quand on les brisait.
Ces pierres étaient l'indice de l'existence du pétrole. On en trouve souvent par lits d'épaisseur variable dans les terrains pétrolifères et certaines exploitations en avaient été faites ailleurs en Écosse notamment quand ces lits étaient de suffisante épaisseur, chose que nous n'avions pas encore trouvé.
Mes gardes de la Côte Nord de l'île m'en apportèrent une fois une caisse pleine qu'ils avaient ramassées à l'endroit appelé le «Grand Makaschty» sur le rivage. À la limite de la mer basse. Il y en avait là un grande quantité.
J'attendis la grande marée du mois et je me rendis à l'endroit indiqué.
Je pus constater l'existence d'un puit dont il était difficile d'apprécier la profondeur, car la mer la recouvrait en partie, mais qui devait être important.
Étant donnée l'inclinaison du terrain dans l'île, qui s'infléchit de l'est à l'ouest vers le sud d'environ 20 degrés, je pensai que sur le rivage même, en creusant un puits, je devais trouver le dépôt à quelques pieds, peut-être 15 ou 20 de la surface et remis de faire cette expérience à l'année suivante, quand Menier, que cela intéresserait certainement, viendrait à l'île.
À peu de distance de l'endroit en question se trouvait une rivière nommée «Oil River» dont le nom avait depuis longtemps attiré mon attention.
Personne n'avait pu me donner l'explication de ce nom, ce n'était pas peut-être une raison pour penser qu'on y avait trouvé du pétrole, mais on pouvait tout de même faire une rapprochement entre cette dénomination et l'«oil hale» que nous venions de trouver à proximité.
Cette question était à étudier, surtout étant données les lettres de Mgr Laflamme et les dires du professeur Obalski qui en assuraient l'existence dans l'île,.
Le lit en question, s'il se prolongeait sous l'île et sous la mer, devait passer sous la Gaspésie où le pétrole avait été trouvé en abondance.
Le véritable cratère qu'était la baie Ellis, ne serait-il pas un anticlinal, véritable poche où des sondages devraient être faits?
En enfonçant de pieux pour faire des sondages pour le port de la dite baie, j'avais souvent constaté une certaine irisation sur les pieux que je retirais et comme cette couleur existe souvent dans les marécages, je pensais, n'ayant pas alors l'attention éveillée sur ce problème, qu'elle devait être causée par le gaz de marais qui en est généralement la cause et n'y avais pas attaché d'importance.
Mais maintenant, peut-être serait-il intéressant d'étudie à nouveau cette question.
En septembre fut débarqué le matériel pour le chemin de fer et l'atelier mécanique commença à monter les essieux et les roues pour les plateformes.
Le brûleur était achevé, les tôles qui l'entouraient montant presque jusqu'au sommet.
La chambre des chaudières était prête. Les chaudières aussi, le moulin des écorceurs ayant sa toiture terminée et ses écorceurs en place, on finissait le monte-billots.
La machine Corliss était installée, les transformateurs électriques aussi.
Au quai, on mettait en place le dernier caisson. Avant l'hiver le «tresse» serait prêt à recevoir la voie.
Il restait à recevoir les deux locomotives que l'on attendait de New-York. Le service forestier était organisé pour l'hiver.
Avant mon départ, je reçus la visite de MM. Emerick et Sheppard nos acheteurs de bois, qui venaient voir notre installation et qui complimentèrent Mr. Eshbaugh sur la rapidité avec laquelle elle avait été faite et sur sa bonne organisation.
À la suite de cette visite, MM. Emerick et Sheppard nous firent la commande 20,000 cordes de bois écorcé au prix de 8 dollars 10, livrées au quai de baie Ellis.
Le 2 octobre, je quittai l'île pour Québec où j'arrivai le 4 octobre.
Après avoir tout réglé avec Mr. Gibsone et fait mes adieux à l'Honorable Turgeon, à Sir Georges Garneau, à son frère, l'Honorable Edouard Garneau, à Mr. Joly de Lotbinière, j'embarquai sur l'«Empress of Ireland» avec le directeur de l'hôtel Château Frontenac, Mr. Hutchison et sa femme.
Nous passâmes par le détroit de Belle Isle au Nord de Terre-Neuve, le 14 octobre nous arrivions à Liverpool, et le 15 j'étais de retour à Paris.
J'exposai à Menier le résultat de la campagne, le travail qui avait été fait et la situation du service forestier.
Les travaux du moulin des écorceurs et du chemin de fer étaient suffisamment avancés pour que tout soit prêt pour la coupe du bois pendant l'hiver, son transport et son écorçage.
Le quai qui était presque terminé permettrait au printemps le chargement des navires qui devaient prendre livraison dans l'année des 20000 cordes de bois de pulpe vendues
Enfin, les ateliers, les magasins, les maisons des employés nouveaux, les diverses habitations nécessaires s'achevaient. Une partie du bois était déjà coupée.
L'année 1911 donnerait des résultats intéressants. On pourrait la considérer non comme une expérimentation en grand des possibilités de l'île au point de vue du parti à tirer du bois.
Menier décida d'aller à l'île, mais il ne pourrait venir au début de la prochaine campagne, je partirais seul comme cette année et il viendrait me rejoindre avec la «Bacchante» dans le mois d'août, si possible.
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