L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Les goélands, malheureusement, étaient avec les fous de Bassan en permanence au-dessus de nos trapp-nets et en vidaient le contenu.
Je dus entre nos deux filets mouiller une embarcation dans laquelle un homme muni d'un fusil les tuait.
Aussitôt blessés, ces oiseaux se mettent à crier sans arrêt et éloignent les autres. Après une heure l'homme rentrait et l'effet était produit pour quelque temps.
À la fin, nous fîmes un mannequin qui remplaça l'homme et qui suffit pour écarter la meute affamée.
Dans le mois de juillet, le fus avisé par Mr. Gibsone que le gouvernement fédéral venait de faire passer une loi selon laquelle il était interdit de vendre au États-Unis le bois provenant des territoires forestiers de la couronne.
Cela était de grande importance pour nous, car étant une propriété privée, nous pouvions vendre notre bois aux États-Unis.
Cela pouvait avoir le plus grand intérêt pour l'avenir de l'île, car les moulins à papier situés hors du Canada s'adresseraient à nous pour alimenter leurs fabriques.
Ce printemps, je commençai la construction à Port Menier de la nouvelle boulangerie, d'un abattoir, d'une boucherie-charcuterie, et d'une poissonnerie.
Je groupais ces divers bâtiments qui plus ou moins ont affaire les uns aux autres, dans un espace où nous avions pris la pierre nécessaire à bloquer les caissons du quai et qui était disponible, entre l'entrepôt no. 1 et les maisons du Cap Blanc.
Le boulanger logeait avec sa famille dans sa boulangerie où il y avait quatre grands fours qui lui permettaient de faire 400 pains de 6 livres par jour.
En arrière était la cour de l'abattoir et dans la même maison que la boulangerie, l'abattoir lui-même et la charcuterie, laquelle communiquait avec le fournil par un guichet par où le charcutier passait les plats qui devaient être cuits.
Plus près de la mer, contre la cour de l'abattoir, était placée la poissonnerie avec sa glacière en arrière et en avant son hangar pour le travail du poisson en général et de la morue en particulier.
Malgré les soins de propreté que nous prenions à l'abattoir, à la poissonnerie, les déchets des issues des animaux tués et des poissons attirèrent en cet endroit des légions de mouches bleues, dites mouches à viande, qu'il fallut combattre de suite.
Au-dessus de l'abattoir, à la hauteur du toit existait presque à la toucher une paroi rocheuse qui dominait le groupe des bâtiments de l'alimentation.
Sur ce rocher, je mis un trépied qui à sa partie supérieure comportait une boite en fil de fer à large mailles dans laquelle l'abattoir mettait des têtes de mouton pour la remplir, c'est-à-dire deux ou trois.
Cette cage était coiffée d'un chapeau en fer blanc qui empêchait la pluie de mouiller les têtes ou le soleil de les dessécher.
Je posai ce trépied dans une sorte de «tub» dans lequel il y avait de l'eau et de la chaux.
Toutes les mouches bleues, attirées par l'odeur, vinrent faire leurs oeufs dans ces têtes de mouton. Les asticots aussitôt nés tombaient dans le lait de chaux et étaient détruits, sans avoir le temps de manger les têtes qui durèrent très longtemps.
Peu à peu, les mouches bleues disparurent, et à la fin de l'été, on en était pratiquement débarrassé.
Le 7 juillet, le bâtiment de sauvetage des Davie parvint à renflouer le «King Edward» à Ste-Claire et il put être remis en service.
Le 14 nos amis, MM. Gibsone, Turgeon et Edouard Gardeau vinrent faire la pêche à Jupiter.
La prise en 5 jours, fut de 70 saumons, le plus gros était de 24 livres et demi, le poids moyen de 10 livres.
Je partis avec eux pour Québec. En remontant j'arrêtai à la Malbaie et je descendis au manoir Richelieu où je rencontrai le nouveau consul général de France, M. de Loynes, dont je fus enchanté de faire la connaissance.
Il était avec sa fille et ils me promirent de venir nous voir à l'île à laquelle ils s'intéressaient beaucoup.
Je pris le «Murray Bay» pour Québec où l'Honorable Turgeon me reçu au palais législatif. Nous eûmes des réceptions où je fis la connaissance de Mr. Raë, de Mr. Gourd.
Je visitai l'établissement du sanatorium du Dr. Couture à Lévis et j'étais de retour à l'île le 31 juillet.
Le professeur de géologie, Mr Twenhofel, du Yale Institute, avec lequel le Dr. Schmitt avait été en rapport, vint avec deux élèves me demander l'autorisation de faire la prospection géologique de l'île.
Je lui donnai toutes les facilités pour cela et il partit pour en faire le tour avec une embarcation et un marin connaissant bien le pays.
À son retour, il devait me remettre des échantillons des minéraux qu'il trouverait, ainsi que des fossile pour le mettre dans notre musée.
Cette année la homarderie avait pris 235,483 homards, ce qui donna 1275 caisses.
Je vendis à Clarke City 200 cordes de bois à raison de 7 dollars la corde et je les fis transporter sur notre chaland remorqué par le Savoy.
C'était un essai qui devait nous laisser un certain bénéfice et qui serait peut-être le commencement d'un marché pour notre bois.
La rivière aux Castors cette année eut de l'eau en abondance tout l'été.
Nous attribuâmes cela aux castors qui avaient fait en amont de nombreux barrages qui retenaient l'eau. Nos puits de la ferme aussi ne furent jamais à sec pour la même raison.
La croissance des sapins et de l'épinette fut aussi bien plus belle, ces essences ne pouvant prospérer que dans l'humidité.
Nos gens avaient depuis longtemps remarqué que ces conifères étaient toujours creux dans les collines sans eau, quand au contraire, les troncs étaient toujours sains dans les endroits inondés.
C'était encore un bienfait des castors ajusté à tant d'autres.
Le 11 août, le professeur revint de sa prospection, il nous remit les échantillons classifiés par lui pour le musée et promit de revenir achever le travail qu'il devait publier sur l'île et qui pourrait nous intéresser.
Le 14 août, une Commissions gouvernementale du Mérite Agricole vint faire l'inspection des nos fermes et de nos cultures et donna une médaille d'argent, à la ferme Georges pour sa bonne tenue qui fut remise à M. Parent notre chef de culture.
Le pool artificiel que j'avais fait faire dans la rivière Gamache non loin de la villa était fréquenté par quantité de truites de mer dont le poids, comme nous avions pu le constater partout dans l'île ne dépassait jamais deux livres et demie.
La truite de mer étant un poisson qui doit atteindre aisément 10 ou 15 livres. Je tâchai de savoir quelle était la cause de ce phénomène.
L'avis des vieux pêcheurs de l'île fut que cette cause ne pouvait être trouvée ailleurs que dans la quantité de loups marins autour de l'île qui prenaient plus facilement les grosses truites, que les petites, qui pouvaient plus aisément se dissimuler dans les roches.
Ces truites, ayant coutume après être montées dans les rivières avec la marée mottante d'en redescendre à la marée descendante, étaient attendues à l'embouchure par les loups marins qui en faisaient un massacre.
Je pensai donc à les isoler dans mon pool artificiel en barrant leur descente à la mer au moyen d'un grillage placé dans l'ouverture que j'avais ménagée dans le barrage du dit pool.
Les loups marins ne les mangeraient plus et je verrais ainsi quelle taille elles pourraient attendre. Mais la nourriture ne leur ferait-elle pas défaut?
Je pensai alors à utiliser l'appareil que j'avais fait pour la suppression des mouches à viande qui produisaient tant de larves que je détruisais dans la chaux, quand elles pourraient si bien nourrir mes truites..
Je fis faire un autre panier en grillage comme celui mis près de l'abattoir où étaient les têtes de mouton et au lieu de le mettre sur un trépied, je les suspendis à un va et vient en fil de fer qui allait d'une rive à l'autre, au-dessus du pool, et le placai juste en face à l'entrée de la fosse faite dans la berge et au milieu du pool.
Bientôt, je pus voir les truites sauter hors de l'eau pour prendre les vers qui s'échappaient du panier et n'avaient pas le temps de tomber à l'eau. C'était bien mieux ainsi.
Tout en détruisant les mouches bleues, je les utilisais à nourrir mes truites, je faisais ainsi d'une pierre deux coups.
Je choisis une grande marée et je n'emprisonnai les truites en posant le grillage qu'à la pleine mer.
Je verrais dans la suite si les truites prospéreraient, étant à l'abri des phoques.
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