L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Ils venaient entourer la Bacchante en quantités considérables. Parmi les phoques tachetés, nous voyions pour la première fois d'énormes loups marins dits «Têtes de cheval» dont la taille atteignait souvent 7 à 8 mètres.
Nous visitâmes ensuite la homarderie de Goose Point et celle de la Baie au Renard.
Tout fonctionnait bien. La homarderie avait terminé sa saison et les gens se disposaient à repartir pour la Pointe aux Esquimaux d'où provenaient presque tous nos pêcheurs et les filles employées à la homarderie.
Nous nous arrêtâmes à la nouvelle installation du camp Caron, où avait été construite une scierie qui fonctionnait dans de bonnes conditions, et étions de retour le 30 juillet à la Baie Ellis.
Le 2 août, nous partions pour Québec. Réception à Spencer Wood, du lieutenant Gouverneur Sir Louis Jetté, puis visite à l'Islet à M. Dupuy, horticulteur, qui devant son manoir, avec ses longs cheveux blancs comme neige, tombant sur ses épaules, et à la main un vaste feutre Louis XIV, nous reçut dans un décor du Grand Siècle.
Nous eûmes un déjeuner sur une longue table où tous les domestiques et employés de la ferme prenaient leur nourriture en même temps que nous.
Les plats immenses, nous étaient d'abord présentés, puis redescendaient jusqu'au bas de la table où étaient les jeunes bergers et les petits vachers, qui n'en laissaient miette, la fermière et ses filles se levant de temps en temps pour nous servir et se rasseyant à table pour continuer leur diner.
Après le toast aimable souhaitant la bienvenu aux «cousins des vieux pays», lui et ses parents, M. et Melles Verreault, nous firent visiter toutes les installations.
En les quittant, avec nos remerciements émus, nous lui fîmes l'invitation de venir nous voir à Anticosti lui et sa famille et par la même occasion lui donnâmes quelques commandes pour nos plantations à l'île.
Le 9 août, réception à bord de la Bacchante avec le concours de la musique de la citadelle prêtée par le Colonel Wilson, où nous recûmes Sir Louis Jetté, le Major et Mrs Sharples, le Major Sheppard, l'honorable Adélard et Mrs Turgeon, ainsi que les officiers du croiseur argentin «Presidente Carmiento» et de l'avisor allemand «Cassel»
L'honorable Adélard Turgeon nous donna un grand diner au palais du Gouvernement et nous assura qu'il ferait son possible pour nous faire obtenir la propriété de la baie au Renard.
Repartant pour l'île le 11 août, nous reçûmes un câble de Commettant nous disant qu'un navire de 4,000 tonnes, le «Mancherster Trader» était à terre à la Pointe Sud, avec 450 boeufs et 300 moutons.
Nous donnâmes l'ordre au Savoy, qui justement avait terminé son déchargement à l'île, de partir de suite pour la Pointe Sud pour lui porter secours.
Le 13 août, en arrivant à l'île, nous reçumes un câble du capitaine du Savoy, qui nous disait qu'il était arrivé près du navire, avait travaillé pour le déséchouer, mais qu'il ne croyait pas à la possibilité de le sauver.
La mer ne se calmait pas et comme nous l'avions prévu, ce bâtiment s'était bien échoué à mer haute, donc presque aucune chanche de le sauver.
Le capitaine nous offrait de lui acheter sa cargaison de boeufs et de moutons.
N'était pas préparés à recevoir ces animaux, nous fîmes naturellement quelques difficultés pour les prendre.
Il était certain, en ce qui concernait les boeufs, que le capitaine aurait pu les jeter à la mer et une grande partie aurait gagné l'île.
Aurait-il jamais pu les reprendre? Ceci était une question qui serait difficile à élucider.
En tout cas, un grand nombre serait resté dans l'île, mais nous n'avions pas à tenir compte de cette considération, et fîmes un marché certainement avantageux pour tous: 20 dollars par boeuf et 2 dollars par mouton.
Pour recevoir ces animaux, je fis tout de suite préparer près du canal, un grand enclos que nous pourrions agrandir dans la suite, où passait la rivière, qui comprenait environ 10 hectares de bois, de jeunes bouleaux et des trembles, qui conteraient de la nourriture à ces bestiaux pendant un certain temps.
Je fis ramasser également tous les branchages que je puis trouver dans les environs.
Le Savoy ne pouvant prendre que cent bœufs à la fois dut faire plusieurs voyages.
Au débarquement, au quai, quelques-uns tombèrent en bas et se cassèrent les pattes, mais ils ne furent pas perdus car on les détailla et on en fit saler la viande.
Les moutons également achetés par nous furent débarqués dans d'assez bonnes conditions, et mis sur le plateau avec un entourage de fortune.
Le 20 août, tout était débarqué, l'équipage fut rapatrié et le bateau continua à se démolir définitivement. Le navire de sauvetage de Montréal n'avait pas pu arriver à temps.
Ce même jour je fis séparer 30 des plus belles génisses et trois beaux taureaux et les fis conduire à la ferme St-Georges.
Ces animaux provenant des prairies du Far West étaient très rustiques et allaient constituer la base de notre troupeau que je voulais justement commencer.
Ce fut un excellent point de départ, car ces animaux habitués à la liberté se contentaient de peu et n'exigeaient qu'un minimum de stabulation ce qui était très intéressant pour nous, la nourriture ainsi que les soins que l'on doit donner aux bestiaux à l'étable, en faisait la grande dépense.
Je conservai également un troupeau de ?0 brebis et de deux béliers. Ceci allait nous constituer un bon commencement avec des animaux également rustique et très vigoureux.
Ceci fait, je cablai à Levasseur de nous chercher un acquéreur parmi les gens auxquels nous avions l'habitude d'acheter nos animaux de boucherie et il nous envoya M. Drolet, boucher de Québec, avec lequel nous avons fait un marché pour tout le restant des animaux, ce qui nous donna un bénéfice net de 50,000 dollars.
Cette fois le sort nous avait bien servi, comme elle l'avait fait pour Robinson Crusoë, lors de l'échouage du bateau dans lequel il trouva le premier matériel pour son installation.
M. Commettant et sa famille nous quittèrent le 4 septembre pour des raisons de santé, n'ayant pu s'accoutumer au dur climat de l'hiver.
Il fut remplacé par mon ami M. Henri Myard avec son associé M. Livrelli.
Ceux-ci allaient arriver à l'automne et notre comptable M. Landrieu assurerait le service entre temps.
Le 4 septembre au soir, nous quittâmes l'île avec la Bacchante et nous rentrâmes en France.
Nous passâmes pour le retour par le détroit de Belle-Isle, ce qui était la navigation la plus courte par l'arc de grand cercle. Nous rencontrâmes beaucoup de glaces en quittant Terre-Neuve et eûmes à nous habiller comme en hiver, pendant plusieurs jours.
Après une bonne traversée, nous étions au Hâvre le 18 septembre.
Aussitôt mon retour à Paris, j'eus plusieurs entretiens et une longue correspondance avec le commandant Reculoux, au sujet des pêcheries au Canada et des possibilités de commercer avec St-Pierre et Miquelon.
Ce commandant était considéré alors comme un des meilleurs experts des questions de pêche sur Terre-Neuve où il avait commandé la station navale pendant de nombreuses années.
Il savait que l'Angleterre cherchait à faire un règlement avec la France dans ces régions. la question des French Shore donnant toujours sujet à des difficultés et des réclamations de part et d'autres.
La conclusion de ces entretiens fut que nous n'avions aucun moyen de faire un commerce fructueux avec la morue, n'ayant pas la prime du Gouvernement français.
La seule chose à faire pour nous était de la pêcher uniquement pour les besoins de notre population.
Toutefois, il nous suggérait de changer notre système de pêche à la ligne de fond et de faire des essais de chalutage à vapeur, soit avec le chalut de fond à vergue, ce qui n'avait jamais été fait au Canada.
Soit avec le flottante à plateaux (mais pour le premier, il fallait se méfier des ancrages abandonnés qu'on ramassait partout et qui déchirait tout.
À mon avis, la mise en boite du homard ne pouvait rapporter de sérieux bénéfices, étant donné la compétition que nous avions avec les pêcheurs de la côte, qui eux fabriquaient leurs boites sans aucun soin et aucune propreté, mais qui en obtenaient le même prix que nous dont la fabrication soignée nous coûtait très cher.
La vente du homard vivant pourrait, par contre, rapporter de grands bénéfices, mais son organisation était difficile.
Il en était de même pour la vente du saumon dont la taille moyenne à Anticosti était de 10 livres, ce qui en faisait un poisson de grand prix pour le marché, car c'était la taille qui était payée la plus cher.
Mais il insista de la façon la plus formelle sur la nécessité pour nous de détruire au préalable le loup-marin, ce grand destructeur de saumons et de truites du golfe St-Laurent.
Le Commandant Reculoux préconisait l'armement de goélettes de pêche d'après le système français: 1/3 du bénéfice net au propriétaire armateur, 1/3 au navire et 1/3 à l'équipage.
Entretemps, eut lieu le mariage du neveu du patron. M. Georges Menier, avec Mlle Simone Legrand.
MM. Myard et Livrelli arrivèrent à Paris le 4 janvier, ainsi que Mr. Gibsone et nous pûmes travailler ensemble les différentes questions en cours.
Le Major Levasseur se retirant, ce fut Mr. Gibsone qui fut nommé notre représentant à Québec et eut la direction de l'agence.
Il fut convenu qu'il conserverait son bureau d'avocat tout en s'occupant de nos affaires.
Nous avions rapporté des échantillons de chaux et de ciment.
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