Eduardo de Rivera parle d'un drame national, en trois journées, intitulé : Ollante, ou les rigueurs d'un père et la générosité d'un roi. On croit que ce drame fut écrit au commencement du XV° siècle et qu'il fut représenté sur la place de Cuzco devant les Incas.
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TestRivera donne l'analyse, journée par journée, de ce monument littéraire extrêmement curieux que le docteur J.-D. Tschudi a reproduit en entier dans son ouvrage sur la
langue quichua.
Aucun de ces auteurs ne dit qu'il se trouvât mêlé de la musique à cette action dramatique ; mais Rivero assure que les acteurs péruviens étaient parvenus à un talent dramatique extrêmement remarquable.
La musique ne servit pas seulement aux galants de l'ancien Pérou à charmer leurs belles et à les disposer tendrement en leur faveur ; ils en avaient fait un langage aussi précis que la parole.
En effet, selon Garcilaso, les Péruviens comme les Grecs ne se servaient pas indistinctement de tous les modes, c'est- à-dire de tous les systèmes de gamme pour écrire leurs chansons et leurs romances.
Chaque genre de poésie, subdivisé suivant certaines nuances de sentiments, se mettait en musique dans un mode déterminé.
Ce classement, s'il faut en croire l'historien espagnol, n'avait d'autre but que de faire comprendre aux femmes, objet mystérieux et charmant de discrètes sérénades sur la flûte, le juste état du cœur de chaque amoureux.
Tel air indiquait qu'il mourrait si ses vœux étaient plus longtemps dédaignés.
Tel autre air disait clairement à la jeune fille qui l'écoutait que son adorateur viendrait la voir à un lieu et à une heure fixés.
Un air bâti sur tel mode signifiait : Non, tu ne m'aimes plus !
Un autre air sur un mode différent voulait dire : « L'aiguillon de la jalousie a blessé mon pauvre cœur malade.»
Celui-ci exprimait le découragement; celui-là l'espérance; un plus passionné encore, parlait comme Fernand dans la Favorite de Donizetti :
«J'entends une voix qui me crie : Va, va dans une autre patrie, va cacher ton bonheur ! »
Les airs anciens du Pérou que la tradition a conservés, sont presque tous écrits en mode mineur, sans rythme pour la plupart et d'une mesure pour ainsi dire ad libitum. On les appelle yaravis et voici ce que dit de ces airs nationaux un des rédacteurs du Mercurio Peruano dans le tome IV de cet intéressant recueil :
« Pour moi, j'avouerai avec ingénuité que quand j'entends chanter ces romances, mon âme est abattue, mon esprit est subjugué, mon cœur se remplit de tristesse, mes sens s'endorment et des pleurs viennent mouiller mes paupières.»
Voici une traduction d'un yaravi ancien que nous empruntons au Mercurio Peruano. C'est une femme qui chante la mort de celui qu'elle a aimé.
I.
Quand une pauvre tourterelle
Perd l'objet de ses amours,
Dans la douleur elle bat de l'aile au hasard
Elle court, vole, retourne et repart encore !
II.
Sans repos elle voltige partout,
Elle parcourt la campagne
ans oublier de visiter
Un seul tronc, une seule plante, un seul rameau, un seul arbre.
III.
Mais déjà sans espéranceEt le cœur palpitant
Elle pleure sans cesse
Des fontaines, des ruisseaux, des golfes et des mers.
Ainsi je suis hélas !
Depuis cet instant funeste
Où je te perdis dans mon malheur
Charme si doux, enchanteur divin.
Je pleure mais sans consolation
Car mon chagrin est si grand
Que dans ma tristesse je ne respire
Que pleurs, terreurs, angoisses et cris de douleur.
Tout l'univers s'émeut de ma douleur
Car je suis la plus fidèle des amantes
Et je vois pleurer sur mon sort
Les hommes, les quadrupèdes, les poissons et les oiseaux.
Tant que durera ma vie
Je suivrai ton ombre errante
Oui, quand même viendraient s'opposer à mon amour L'eau, le feu, la terre et l'air.
Les vers des yaravis nationaux sont d'ordinaire de six et de huit syllabes. Ces vers forment des strophes tantôt de quatre vers, tantôt de cinq, d'autres fois de huit ou même de dix, avec un refrain, le plus souvent.
Quand ils employaient les vers de huit syllabes, les Péruviens avaient coutume d'intercaler un petit vers composé de cinq syllabes, nommé pied brisé.