Quatre de ces huit tuyaux, les N° 2, 4, 6 et 7 sont percés de petits trous latéraux qui, lorsqu'ils sont ouverts, donnent, avec les autres tuyaux non percés de petits trous, les notes suivantes :
Lorsque les trous des tuyaux 2, 4, 6 et 7 sont fermés, ils donnent les notes que voici :
L'ensemble dos sons fournis par ces tuyaux donne l'échelle suivante :
Comme moyen d'expression, les Indiens bouchaient à moitié avec les doigts les petits trous latéraux des tuyaux fa dièse, la naturel , ut dièse et fa naturel, ce qui produisait des intonations intermédiaires entre fa dièse et fa naturel, entre la naturel et sol dièse, entre ut dièse et ut naturel, entre fa naturel et mi naturel.
Ces intonations par quart de ton ne constituaient pas un système de tonalité chez les Mexicains, elles n'étaient que des inflexions dont l'effet peut se comparer au glissement d'un intervalle sur les instruments à archet, ou mieux encore au petit trémolo fluctuant produit par les violonistes et les violoncellistes lorsqu'ils tremblent avec le doigt sur la corde.
Si le syrinx dont nous venons de donner la description offre des lacunes sensibles dans l'échelle chromatique et diatonique du mi au la supérieur, il ne s'en suit pas que le système tonal des Américains dût nécessairement se modeler sur cette échelle.
D'autres syrinx, probablement, offraient des combinaisons de tuyaux propres à combler ces vides, car ce que nous avons de la musique des Mexicains et des Péruviens ne présente aucune lacune mélodique du genre des huara-puara de M. de Humboldt, ainsi qu'on le verra plus loin.
Le Musée du Mexique, celui de Lima, le British Museum de Londres, le Musée de Copenhague, celui de Stockholm et quelques collections particulières telles que celle d'Adolphe Sax à Paris, offrent des spécimens authentiques ou des modèles exacts d'instruments trouvés à Palenqué dont la plupart, au dire des voyageurs, sont encore en usage chez les populations indigènes de cette partie de l'Amérique.
Ce sont une petite trompette aigüe, un fifre qui ne produit que cinq sons, la grande flûte à bec de roseau et à six trous, la flûte à quatre trous et une autre flûte d'un caractère tout particulier appelée quena par les Indiens dispersés dans les Andes, et dont nous donnerons plus loin une description.
Les Mexicains et les Péruviens avaient très peu d'instruments à cordes. Ils jouaient d'une guitare montée tantôt de cinq cordes, tantôt de sept, au dire de M. de Rivero. Les sons de cette guitare étaient d'une gravité un peu triste.
Les instruments de percussion qu'on a de ces deux grandes nations disparues sont relativement très rares. Ce sont des Crotales, de grandes Castagnettes et des Sambous dont nous avons vu les dessins.
L'absence d'instruments de percussion en métal — instruments qui caractérisent la musique affreusement tapageuse des peuples de race jaune, trop amis des vibrations rutilantes, — sont pour M. Fétis , contrairement à l'opinion de M. Gobineau dans son essai sur l'inégalité des races humaines, la preuve victorieuse que les primitifs Américains ne sont pas issus des Mongols.
Est-ce là une preuve triomphante ? Je lis dans Rivero que la musique instrumentale des Indiens leur plaisait d'autant plus qu'elle était plus bruyante : « Gustaba tanto mas, quanta mas alborotada era. » D'ailleurs les hommes sans changer de race peuvent changer de goût musical.
Qui pourrait reconnaître dans les musiciens européens du siècle passé dont la musique était si douce généralement et si peu chargée d'accompagnement, la même race d'hommes que certains compositeurs modernes dont la musique trombonisée et tamtamisée semble n'avoir pour but que l'assourdissement de ceux qui ont l'imprudence de l'écouter.
N'oublions pas que si le tuba est un instrument de la plus haute antiquité, un instrument antéhistorique, ainsi que le prouve un admirable spécimen de ce long clairon que j'ai eu occasion d'examiner au Musée de Copenhague et qui date de l'âge de bronze, le trombone, modification ingénieuse mais parfois terriblement bruyante de la trompette simple, est d'invention récente ; n'oublions pas que Gluck est le premier compositeur qui, à l'orchestre, employa le triangle pour donner à la danse des Scythes, au premier acte d'Iphigénie en Aulide, un caractère barbare; enfin rappelons-nous que pour avoir employé à l'orchestre la grosse caisse, Rossini reçut, dans un vaudeville de Scribe, le surnom de Il signor Vacarmini..
Les Mexicains et les Péruviens, — qu'ils appartiennent à la race jaune, qu'ils descendent des Sémites, comme le veut M. Fétis, ou que, d'après le dominicain Gregorio Garcia ils soient issus, suivant les contrées qu'ils ont habitées sur le continent américain et les langues qu'ils ont parlées, des Carthaginois, des Hébreux, des Grecs, des Chinois ou des Phéniciens,— les Mexicains et les Péruviens, disons-nous, ont pu changer de goût et avoir adoré en un temps les instruments de percussion en métal qu'ils ont plus tard dédaignés, car la musique comme toutes les choses humaines est, plus ou moins, la très humble sujette de cette souveraine universelle qu'on appelle la mode.
D'après les instruments trouvés â Palenqué, il est facile de se faire une idée approximative de la musique des Toltecs et des Aztecs dont la domination, au commencement du XIII* siècle, s'étendait sur toute la largeur du continent, de l'Atlantique à la mer Pacifique.
Le Syrinx de M. de Humboldt offrait aux musiciens du Mexique un système de tons et de demi-tons qui, nécessairement, devait rapprocher leur musique de celle des Péruviens dont on a pu conserver de précieux spécimens, et qui, on le verra bientôt, présente une grande analogie par l'expression et la tonalité , — sinon toujours par le rythme — avec la musique européenne du siècle passé.