L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Nous commençames aussi le piégeage de castors qui avaient pullulé d'une manière incroyable, occasionnant souvent des inondations recouvrant de grandes étendues de terrain.
Nous avions du faire sauter à la dynamite plusieurs barrages qu'ils avaient faits dans nos rivières et ruisseaux les plus proches et qui coupaient nos routes.
On pouvait prendre ces animaux en toute saison et pas seulement en hiver, leur peau étant aussi bonne l'été que pendant la saison froide, comme celle de la loutre, à la différence des autres à fourrure comme le renard et la martre dont la pelleterie n'est bonne qu'en hiver.
On en avait pris déjà 60, dont les peaux avaient été vendues 50 dollars pièce.
Cette année, je renonçai à l'élevage du renard que j'avais été le premier à faire au Canada et que l'on faisait maintenant à plusieurs endroits dans la province de Québec, principalement sur la côte Nord, dans la Gaspésie et dans l'île du Prince Édouard.
Cet élevage était une erreur, surtout pour nous chez qui les renards se reproduisaient à l'état sauvage sans rien nous couter.
En effet, après plusieurs années d'essais, nous pûmes nous apercevoir que les peaux des animaux élevés dans nos parcs perdaient leur poil aussitôt qu'elle étaient préparées.
En effet, les plus beaux animaux sont ceux de deux et surtout de trois ans.
Ils ont alors toute leur taille, mais ils font deux poils par an, un d'été et un d'hiver.
À l'état de nature, les renards chaque année se débarrassent des poils de chaque saison en parcourant les bois et les buissons.
Ce sont des animaux très actifs qui sont continuellement en mouvement et le frottement continu des branches et des épines où ils passent leur enlèvent entièrement le poil de la saison précédente, c'est un pansage naturel.
Or, dans nos parcs, les renards n'ont aucun parcours de possible, ils restent tapis dans leurs trois et n'ont pas de frottement pour leur enlever les anciens poils si bien qu'un renard de trois ans a lieu de n'avoir que son poil de l'hiver, poussé dans la saison froide (où on le tue), en a gardé six.
L'apparence de la pelleterie est belle, elle est bien fournie, mais en tirant sur les poils ils restent en grande partie dans la main et bientôt en tombant ne laissent voir que des trous et deviennent sans valeur.
Les animaux sont trop nerveux pour qu'il soit possible de les peigner, cela a été essayé sans succès, les renards ainsi maniés dépérissant de suite pour mourir bientôt.
Nous devions porter nos soins ailleurs et principalement sur l'amélioration de la race en diminuant le nombre des mâles rouges et des mâles croisés.
En effet, les trois espèces: rouges, croisés et noirs ou argentés (il n'y a jamais de véritables noirs) ne sont que des variétés et se croisent entre elles.
Une femelle rouge croisée avec un renard argenté faisant quelquefois uniquement des croisés rouge-argentés, mais aussi d'autrefois deux petits rouges, trois argentés et quatre croisés ou inversement.
Toutefois des argentés entre eux, ne font jamais que des argentés et des rouges entre eux que des rouges.
J'étais allé un jour à l'affut à l'ours, la nuit avec un projecteur électrique, car ce n'est que la nuit qu'on peut tuer des ours de grande taille, qui ne sortent jamais dans le jour.
Étant assis à 15 mètres d'un appât constitué par un loup marin attaché au pied d'un arbre par de la ronce artificielle qui empêchait l'ours d'enlever l'appât en votre absence et bien entendu dans l'obscurité complète, j'entendis des jappements et des cris nombreux qui allaient en augmentant et qui étaient faits par des renards qui sans doute étaient déjà là avant mon arrivée et qui reprenaient leur besogne de dépeçage du loup marin.
Je fis fonctionner le projecteur et vis une vingtaine de renards, dont plusieurs argentés et croisés qui se battaient et qui s'arrêtèrent sans s'enfuir, éblouis par la lumière.
J'avais une petite 22 automatique Winchester, et je visai les rouges en les tirant dans la tête. J'en tuai une dizaine de suite, sans qu'ils décidèrent à partir.
Ceci me donna l'idée de faire faire par les gardes des affûts semblables près de leurs postes autour de l'île et de leur faire tuer le plus grand nombre de rouges possible, ce serait autant de mauvais reproducteur de moins. les femelles étant de peu d'intérêt, on aurait tué ainsi moitié de mâles reproducteurs, en comptant autant de mâles que de femelles.
Mais, il était malheureux cependant de gaspiller la fourrure des renards qu'on tuerait ainsi en tout temps, et dont la peau n'est de prix que pendant trois mois de l'hiver.
Or, ces peaux valaient de 10 à 15 dollars chaque.
Nous pensâmes alors à les capturer vivants en faisant des cages ouvertes des deux côtés entièrement engrillagées et où nous mettrions un cadavre de loup marin attaché.
Les ouvertures auraient respectivement deux portes à glissières relevées et commandées par une corde qu'on pourrait actionner à 200 mètres de là.
Puisque nous renoncions à nos fermes de renards, nous utiliserions nos parcs en y mettant ces renards rouges, nous les nourririons et l'hiver ils seraient tués et les peaux vendues avec profit.
J'expérimentai la chose en faisant une cage de 10 mètres de long par 10 de large et de 2 mètres de hauteur pour qu'un homme puisse s'y tenir debout, cinq poteaux enfoncés en terre soutenant le grillage.
Une moitié de loup marin fut attaché au poteau du centre solidement et les deux portes à glissière furent ouvertes rejointes ensemble par un cordeau passant par un anneau et que nous fîmes passer dans les branches des sapins jusqu'à 20 mètres de là.
L'endroit choisi était à 500 mètres de la villa près du ruisseau Diane et à 200 mètres de la route où aboutissait la corde.
Nous attendimes trois jours et la veille ayant constaté que le sol était bien garni d'empreintes de pieds de renards, je vins vers 10 heures du soir le vent étant favorable et je tirai la corde.
Nous nous approchâmes avec nos lanternes et constatâmes que nous avions 12 renards de pris, dont 6 rouges, nous fîmes sortir les croisés qui furent remis en liberté, et le lendemain, nous mîmes ces 6 rouges dans le grand parc.
Ayant réussi cet essai, fait dans les derniers jours de ma présence à l'île, je remis à plus tard de continuer cette expérience certainement intéressante.
À la dernière réunion des chefs de service, je leur annonçai l'organisation nouvelle des travaux d'hiver pour permettre aux employés de faire connaitre les idées qu'ils pourraient avoir sur l'amélioration à apporter dans leurs services.
La marge la plus grande était laissée à chacun pour développer ses idées personnelles pourvu que leur travail eut un rapport quelconque avec la marche de nos travaux et put nous être utile.
Le long hivernage leur laissait des loisirs qu'ils pourraient ainsi utiliser.
Naturellement, ils fourniraient ainsi à l'administration des raisons de pousser leur avancement selon les services qu'ils nous rendraient.
C'était également un très bon moyen de juger de la capacité de nos employés en encourageant les plus méritants, naturellement aux dépens de ceux qui l'étaient moins.
Ces travaux existaient dans l'armée française et rendaient de grands services, c'était encore un emprunt intéressant que dans notre situation isolée, nous pouvions faire aux règlements ajoutés à tous ceux que nous avions imité comme dit et exposé plus haut.
Ces travaux d'hiver, bien entendu étaient facultatifs et personne n'était tenu d'en remettre, ceci étant laissé à la faculté de chacun.
Toutefois, pour stimuler le zèle des concurrents éventuels, nous pensâmes à donner deux prix pour les deux meilleurs travaux d'hiver qui nous seraient présentés au printemps.
Le premier prix serait de 200 dollars et le second de 100.
Toutefois, nous gardions la liberté d'apprécier si la valeur des deux meilleurs travaux méritait un récompense ou non.
À mon départ, la presque totalité de nos livraisons de bois de pulpe était faite et le service des travaux se préparait à faire un nouveau contrat pour 50,000 cordes livrables l'an prochain à nos mêmes acheteurs.
Les budgets terminés, je quittait l'île le 4 octobre, j'étais à Québec le 6, et le 10 j'embarquai à New-York sur la «France» qui m'amena le 16 octobre au Havre.
Ce qui intéressait le plus Menier était la question de l'association avec Clarke City.
Jusqu'ici nous n'avions somme toute fait que des expériences de plus en plus complètes aussi bien dans l'exploitation qui seule pourrait et devrait donner des bénéfices.
Pendant l'hiver, il fit venir d'Amérique, Mr. Eshbaugh pour travailler la question de la construction d'une usine de pulpe au bisulfite de soude à Anticosti.
Car, dans l'association projetée, c'était l'île qui devait fournir la pulpe chimique tandis que Clarke-City fournirait la pulpe mécanique comme dit plus haut.
L'avis de Mr. Eshbaugh n'était pas, comme il en avait été question, de faire une grande usine à Baie Ellis.
L'étude qu'il avait pu faire depuis deux ans des conditions spéciales de l'île, lui avait montré que l'approvisionnement en bois était différent pour fournir une grande usine au Canada, ou à Anticosti.
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