L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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CHAPITRE XIX 1912-1913
Dix-septième campagne — Départ du Havre — Le comité France-Amérique — Le professeur Hornaday du Bronx Park — Princeton — Séjour à Québec — Arrivée à Anticosti — Livraison de 40,000 cordes de bois de pulpe — Les logs — Haulers — Le chemin de fer au lac duc de Connaught — Les constructions nouvelles — L'église — Les loups marins — Réorganisation des pêcheries — Les animaux sauvages — Retour
Au mois de mars 1912, Mr. James Clarke arriva.
Nous avions demandé à Mr. Gibsone de venir pour se trouver en même temps que lui et ils arrivèrent ensemble.
M. Menier reçut Mr. Clarke, ainsi que Mr. Gibsone et moi, à Cannes et les entretiens durèrent 15 jours, après lesquels les bases d'une acceptation préliminaire pour la formation éventuelle 1913 de la société Clarke-Menier, furent rédigées.
Cette année, Menier assez souffrant ne put aller à l'île.
Le 20 avril 1912, j'embarquais avec mon ami M. Julien Jasquelin sur la «France» de la Cie Transatlantique qui faisait son premier voyage.
Il y avait à bord, les membres du comité «France-Amérique» qui se rendaient à Québec pour l'inauguration du monument de Champlain, Mrs. Gabriel Hanotaux, de l'Académie française, président du Comité France-Amérique, Léon Barthou, représentant l'Aéro-Club, M. et Mme Louis Blériot, M. D'estournelles de Constant, sénateur, M. Étienne Lamy, de l'Académie française, et les généraux Lebon, ancien membre du Conseil supérieur de la guerre et Michal.
Cinq jours après, nous arrivions à New-York, où Mr. Gibsone et Mr. Eshbaugh m'attendaient.
Nous allâmes de suite voir MM. James Clarke et Newcombe et nous rendîmes à la papeterie du Bush Terminal qui était maintenant en pleine marche et plusieurs questions furent traitées avec ces messieurs.
J'allai au Zoo du Bronx Park rendre visite au professeur William T. Hornaday, directeur, qui venait de recevoir un jeune ours d'Anticosti que je lui avais fait envoyer sur sa demande, ainsi que plusieurs bois de cerfs de Virginie.
Il me dit qu'il s'intéressait beaucoup aux essais d'acclimatation que nous faisions à Anticosti et me donna d'excellents avis sur les animaux à y mettre.
Jusqu'ici nous avions introduit avec succès le cerf de Virginie, le mule deer, l'orignal, le castor. Il était d'avis que le caribou, le buffalo des bois, le boeuf musqué devraient aussi très bien y prospérer.
Il faisait une distinction, au sujet du buffalo entre celui des plaines et celui des bois, celui des plaines (j'en avais deux à l'île) n'étant pas dans une contrée propice, tandis que celui des bois se groupait dans un terrain boisé qui lui était éminemment favorable.
Le Gouvernement Canadien venait d'en découvrir au Nord du Fraser un immense troupeau inconnu jusque là.
Ces animaux n'étant pas migrateurs et habitués aux hivers du Nord seraient à Anticosti dans des conditions identiques que celles où ils vivaient.
Son avis était que ces différents animaux pouvaient prospérer simultanément sans se nuire, chaque espèce se nourrissant de façon différente avec des plantes et des herbes spéciales à chaque race.
Pour les animaux à fourrure, ils nous conseillait surtout la zibeline de Russie, le rat musqué, la loutre de l'Hudson, le raccoon.
Pour le gibier à plumes, le grand tétras, le black gamme d'Écosse (tétras à queue fourchue) la grouse d'Écosse; la «Sage Grouse» et la perdrix de bouleau du Canada.
L'ours qu'il venait de recevoir l'intéressait beaucoup. À son avis c'était un animal inconnu en Amérique, mélange d'ours blanc, de grizzly et d'ours noir du Canada, il proposait de le classifier sous la dénomination «d'Anticosti bear».
Son avis au sujet des carnassiers était que la nourriture abondante était facteur de leur taille et de la qualité de leur poil.
Nos ours, avec la quantité d'animaux dont ils pourraient se nourrir augmenteraient de taille et de poids rapidement, tandis que dans les pays sans gibier, ils restent toujours de petite taille.
C'est le cas des ours des Pyrénées, qui restent toujours tout petites ne trouvant que des fourmis, des racines ou des nids de guêpes pour s'alimenter, et c'est bien à tort que le public croit généralement que cet animal est un frugivore, tandis qu'il est un carnivore indiscutable.
En ce qui concerne la fourrure, il était d'accord avec nos trappeurs pour dire que la qualité de la pelleterie est favorisée par la quantité de poisson aussi bien de mer que de lacs et de rivières.
Nous étions dans pays idéal pour leur réussite aussi bien en quantité qu'en qualité
Il fut surpris de la grandeur des bois de nos cerfs de Virginie qu'il venait de recevoir. Certains étaient à palmes comme ceux de l'orignal.
Quoi que nous ayons quelques orignaux à l'île, il ne pouvait y avoir de croisements entre ces deux races entièrement différentes, et le professeur Hornaday ne put se l'expliquer que par la qualité du sol qui était éminemment calcaire, ce qui favorisait l'ossature, par conséquent le développement des bois et la taille de nos animaux, par l'eau calcaire qu'ils buvaient.
Je lui parlai de ce que j'avais fait avec notre troupeau de «Short Horns» et de l'espoir que j'avais de supprimer, dans une certaine mesure, la stabulation en les rendant de plus en plus rustiques.
Il approuva cette idée et me dit que j'aurais une réussite encore plus rapide et plus complète, si j'introduisais dans mon troupeau des taureaux «Yacks». Cet animal d'Asie habite la Mongolie, pays froid.
Il croise très bien avec nos races d'Europe étant lui-même, parait-il, le prototype du boeuf à l'origine. Il cherche sa nourriture en grattant la neige comme le «buffalo» et se domestique facilement.
Avec une coefficient suffisant de sang de «Yack» dans notre troupeau déjà très rustique, nous pourrions en peu de temps faire une croisement excellent à tous points de vue et spécialement à celui de l'hivernage.
Il me déconseilla le croisement du «buffalo» avec nos Durhams, ce croisement nommé «Catello» a été fait en Amérique et ne donne que des produits rachitiques, sans qualité, ni valeur aucune.
C'est lui qui en 1878 lors de la disparition du «buffalo» en avait trouvé la cause. Ce n'était pas la carabine moderne, ni les cowboys de Buffalo Bill qui les avaient détruits, mais la fièvre aphteuse importée d'Europe par des bestiaux en provenant qui les avaient contaminés, comme la variole avait détruit les Peaux-Rouges.
Les derniers du troupeau de 400 têtes qui restaient avaient été vaccinés contre cette fièvre, et la mortalité avait été arrêtée.
Actuellement, plusieurs troupeaux de dizaines de milliers existaient aux États-Unis et au Canada et leur nombre était en grande augmentation.
Nous nous quittâmes sur la proposition qu'il me fit de m'échanger un mâle Yack contre un autre ours adulte et des renards croisés et argentés, il ne pouvait me donner un des trois qu'il me montra dans le parc, n'ayant qu'un mâle, mais espérait en recevoir d'ici quelque temps, et m'en aviserait, le cas échéant.
Mr. Eshbaugh, me conduisit à la grande université de «Princeton» et me fit visiter l'Anticosti Club, fondé par les élèves de cette école qui venaient à Anticosti depuis deux ans.
Nulle organisation pour l'existence bien comprise, l'éducation et l'instruction des futurs ingénieurs ne peut lui être comparée.
L'émulation, la grande liberté, l'intérêt des cours, l'éducation sportive, stimulent toutes les activités des élèves et en font des hommes complets, à un âge où bien souvent ils ne sont que des collégiens souvent instruits, mais sans pratique de l'existence actuelle, et des responsabilités qu'on leur confie.
Je me plus à faire au Directeur, tous les compliments sur les «Princeton boys» qui nous avaient été envoyés et sur les services remarquables qu'ils nous rendaient sous la direction de leur chef distingué, Mr. Eshbaugh.
Le 8 mai, j'étais à Québec en même temps que le Comité France-Amérique. J'assistai à la réception de la Mission chez le Lieutenant gouverneur, Sir François Langelier à Spencer Work, et à l'université Laval.
Je descendis chez Mr. Gibsone et après des visites à Sir Lomer Gouin, premier ministre de la Province à l'Honorable Turgeon, au colonel Talbot, au colonel Wilson, à Sir Geo Garneau, à Mr. et Mrs. Arthur Price.
Je partis pour l'île où j'arrivai le 13 mai dans une tempête de neige. La baie était pleine de glaces amassées par le vent du large, mais fut dégagé le lendemain.
L'embarquement des 40,000 cordes que nous devions livrer cette année était commencée et n'avait pas subi de retard.
L'essai des «tracteurs à bois» n'avait pas été un succès. Les gens qui nous les avaient loués prétendaient que la neige avait été trop molle, le froid insuffisant, etc...
Le résultat était que nous n'avions pas pu sortir du bois plus de 800 cordes, tandis que nous pensions pouvoir en transporter 10,000.
Je fis avertir la Société que j'allais leur renvoyer les appareils et refusai de payer la somme convenue, les conditions de la location n'ayant pas été remplies.
La voie du chemin de fer était arrivée au Lac du Duc de Connaught, grand lac à 6 milles de Port-Menier.
Nous avions construits un wagon de voyageur qui servait au transport des gens qui débarquaient des navires.
Nous partîmes dans le wagon avec M. Malouin, Mr. Eshbaugh et les ingénieurs de Princeton.
Nous emmenions deux embarcations sur une plateforme pour visiter le lac Princeton et celui du Duc de Connaught.
Le capitaine Pelletier qui commandait le Savoy était avec nous, ainsi que le chef de culture. La voie était en bon état quoique la neige le couvrit encore par places.
Nous nous arrêtâmes d'abord au camp dit «camp à Kokke» où commençait le grand défrichement.
Là tout le bois avait été pris, car la terre était d'excellente qualité, et il était intéressant de pouvoir plus tard installer une ferme qui disposerait de plus de 1000 hectares.
Tout le bois avait été enlevé. Une équipe était en train de brûler les branches des arbres et les broussailles, car c'était le moment de faire ce travail, le terrain étant encore humide, aucune possibilité d'incendie n'était à craindre.
Il fut décidé qu'un «log-house» (constructions en bois) serait construit en cet endroit pour servir de gare au personnel et au trafic de la voie.
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