L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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CHAPITRE XIX 1911--1912
Seizième campagne — Le moulin des écorceurs — Le chemin de fer — L'embarquement diu bois — Déplacement à Jupiter — Visite à Clarke City — Pêche à la baleine — Visite de l'usine de pulpe — La fabrique de papier du Rush Terminal à New-York — Projets d'avenir — Le cyclone de 1911 — Association Menier-Clarke
Je partis par la Provence du Havre le 29 avril et j'étais à New-York le 6 mai et à Québec le 8.
Je descendis chez mon ami A. Turgeon au Palais législatif, et travaillais avec Mr. Gibsone et Mr. Malouin, ce dernier étant venu à ma rencontre à Québec.
Le «Norhilda» navire de 2500 tonneaux était à côté du Savoy et se préparait à partir pour l'île pour prendre le premier chargement de bois de pulpe.
Il emportait une locomotive, une pelle à vapeur et des plateformes destinées au transport du bois et quatre grands wagons à renversement destinés à l'embarquement du bois à bord des navires.
J'eus des entretiens avec Sir George Garneau le maire, l'Honorable Dubord, Sir Louis Jetté, le Colonel Scott, le Dr. Rousseau, le Dr. Grondin et Sir Lomer Gouin qui s'intéressait particulièrement à nos travaux à l'île.
Nous quittâmes Québec sur le Savoy naviguant de conserve avec le «Norhilda» le 20 mai et nous étions à l'île le 23.
Mr. Eshbaugh avec ses chefs de service, me firent visiter d'abord le quai qui était achevé. Les cinq caissons étaient en place, le «Tressel» terminé, on allait de suite commencer le chargement des navires qui allaient se succéder toutes les semaines pour l'embarquement des 20,000 cordes de bois de pulpe que nous devions livrer cette année.
Nous montâmes dans le train qui nous attendait au quai et qui nous déposa au moulin des écorceurs qui était en plein fonctionnement.
Le bois, (environ 200,000 billots) qui était approvisionné dans le Lac St-Georges descendait par le canal dans le barrage près du moulin Là il était pris par un monte billots qui l'élevait en haut du moulin où il était distribué aux écorceurs qui le dépouillaient de son écorce.
Les billots écorcés tombaient dans des transbordeurs, mus électriquement qui les transportaient par voie aérienne au-dessus de l'emplacement où ils tombaient et s'empilaient pour être ensuite montés dans les wagons qui les amèneraient au quai pour y être mis à bord des navires.
La sciure et les écorces étaient dirigé aussi mécaniquement jusqu'aux chaudières où les «Dutch Owen» en prenaient une partie, le reste allait au brûleur.
La voie du chemin de fer était achevée jusqu'à 4 milles et fournirait le bois nécessaire au moulin provenant du chantier d'hiver, dès que le bois stocké dans le lac serait épuisé.
La locomotive qui arrivait sur le «Norhilda» était à engrenages «Geared» c'est-à-dire à chargement de vitesse ce qui lui permettait en se mettant en première vitesse, de monter aisément la rampe du «tressel» qui n'avait pas moins de 5% de pente.
Nous avions pu faire faire par l'usine Baldwin de New-York, sans augmentation de prix, la modification pour avoir cet engrenage qui existait sur les voitures automobiles et qui par ailleurs allait nous permettre de diminuer les frais de construction de la voie dans le bois, la voie pouvant gravir des pentes de 5% aisément, avec une économie considérable de main d'oeuvre du terrassement, ce qui n'était possible que pour ces locomotives spéciales.
Cette locomotive fut montée entièrement dans les ateliers mécanique en quelques jours (car elle était arrivé en pièces sur le navire). Ceci est tout à l'éloge de ces ateliers.
Aussitôt sa mise en service, nous montâmes avec le premier chargement de 4 wagons, qui furent refoulés sans peine jusqu'en haut du «Tressel» le déchargement dans la cale du «Norhilda» se fit en moins de 5 minutes.
Le «Tressel» supporta bien cet essai, il n'y eut aucun fléchissement dans la charpente et le quai ne fut nullement ébranlé, ce qui n'était pas sans nous causer une certaine appréhension, non justifiée heureusement.
Les chargements se succédèrent sans arrêt pendant tout l'été, sans interruption ni difficulté.
Depuis l'arrivée du nouveau personnel du service forestier, les magasins et les entrepôts avaient pris une vie nouvelle et donnaient toute satisfaction.
L'hôtel terminé avait déjà plus de 40 chambres habitées, le confit y était excellent. Le camp nouveau était occupé par 300 ouvriers.
Le travail était réglé par le sifflet du moulin, qui donnait le signal du commencement et de l'arrêt des travaux.
Mr. Eshbaugh et sa famille étaient bien installés au chalet, Mr. Wilkinson le chef du moulin était entré dans sa villa et les ingénieurs de «Princeton» occupaient la maison qu'on avait faite pour eux près du canal.
Le docteur, qui maintenant résidait à Port-Menier avait des heures de consultations régulières, et l'hôpital était en excellent ordre.
La pelle à vapeur fut employée de suite sur la voie du chemin de fer et la pose des rails fut très accélérée.
Cette pelle d'une capacité d'une tonne donnait 4 opus par minute et pouvait charger de ballast un wagon de 10 tonnes en trois minutes.
Elle fut surtout au commencement employée à l'élargissement de la rive gauche du canal qui fut agrandi de 20 mètres, donnant en plus de la double voie du chemin de fer un large passage pour les voitures.
La maison de l'administration était occupée par la comptabilité. J'eus mon bureau près de l'enterée, à côté de celui du résident M. Malouin.
Ensuite, les autres locaux comprenaient deux grandes pièces. Dans le fond, étaient deux autres bureaux, un pour le secrétariat, l'autre pour le caissier, avec une chambre spéciale pour les livres, munie d'une porte en fer et la caisse.
Au bout, un guichet communiquait avec le bureau de poste, de télégraphe et de téléphone, qui avait sa sortie particulière.
Au premier étage, se trouvait d'abord une grande pièce pour les archives, ensuite le musée se composant d'une vaste pièce avec une grande table au milieu où nous tenions nos réunions du samedi.
Des armoires vitrées contenaient les échantillons géologiques de l'île et régnaient tout autour au-dessus la collection des animaux naturalisés qui trouvaient leur place au fur et à mesure de leur arrivée.
Sur cette salle une autre s'ouvrait également entourée de vitrines, avec une grande vitrine centrale où se trouvaient principalement le collections de poissons, d'insectes, d'infusoires récoltées dans l'île. L'herbier, avec des échantillons de bois, d'herbes marines, etc...
Enfin, des bocaux contenant les pièces anatomiques de l'hôpital, ainsi que les instruments de précision, télescopes théodolites, microscopes, etc...
Tout ce qui existait à la baie Ste-Claire avait été transporté là et nous eûmes dans ce musée des échantillons assez rares pour que le Smithsonian Institute ait envoyé un délégué pour le visiter.
Nous eûmes entrée autre, trois oiseaux naturalisés entièrement inconnus en Anérique, un merle, un pigeon et le canard du Labrador dont l'espèce a disparu depuis longtemps, mais dont nous trouvâmes sans doute le dernier survivant.
J'organisai cette année le poste de police. Je fis venir pour en prendre charge, un détective, le nommé Vézina de Québec qui m'avait été recommandé par le chef de police de Québec et pour lequel je fis construire un local spécial qu'il partageait avec le chef du service des gardes qui avait là son entrepôt des fourrures et des pièges.
Je fis dans ce poste une prison avec 4 cellules et une armurerie pour les armes des gardes. Je fus amené à faire cette prison, quoique n'y étant pas autorisé, après mures réflexions dues à notre situation toute particulière dans une ile déserte.
J'étais effectivement seul responsable de la tranquillité et étant le chef, la loi me donnait le droit de le faire dans les possessions anglaises.
Cette loi est la suivante: Tout propriétaire est le maitre chez-lui et peut en faire sortir les gens qui ne lui conviennent pas.
Bien entendu, il n'est pas question d'un droit de justice quelconque, le propriétaire ayant chez lui quelqu'un qui a commis un vol, un crime, etc... n'a pas le droit de l'appréhender en invoquant un quelconque de ces motifs, mais il a le droit, ces gens de lui convenant pas, de lui dire de quitter sa propriété et de les en faire sortir.
Comment peut-il les expulser? D'une seule manière. c'est-à-dire «gently». Il peut employer la force, mais rien que la force nécessaire sans plus.
Exemple: le propriétaire veut faire partir une certaine personne, il la fait venir et lui dit: «get away, you dont suit me any more.» Allez-vous en, je n'ai plus besoin de vous.
Si la personne s'en va et quitte la propriété, tout est terminé. Si elle refuse, le propriétaire est en droit lui seul ou si nécessaire avec ses gens, de la repousser les mains ouvertes, sans plus. Si elle résiste, il est en droit alors de la frapper, mais pas plus qu'il ne faut. C'est en somme toute l'utilisation du bâton du policeman.
Si, alors, ou lieu de quitter les lieux, la personne en question vous frappe, elle se met dans le cas d'une attaque sans cause ni justification, et le propriétaire est en droit de se servir de ses armes, ce qui est la conclusion.
Bien entendu, il n'est pas question de certaines situations spéciales de gens autorisé ou ayant des apparences de droits quelconques, comme par exemple celui des «Squatters» qu'il nous fallut cinq ans pour expulser, ou des gens ayant des arrangements particuliers lesquels ne peuvent être expulsés qu'après jugement d'un tribunal.
Or, dans notre cas, comment aurions-nous pu expulser une personne indésirable? D'une seule façon; en la jetant hors de l'île, c'est-à-dire dans la mer.
Sans doute, la loi n'ait pas pensé à ce cas qui était le nôtre, et je trouvai plus humain et tout aussi justifiable, au lieu de sortir les opens de l'île et de les rejeter dans la mer, de les mettre dans un local convenable pour attendre le moment où ayant un navire où je pourrais les embarquer pour les envoyer en dehors de l'île.
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