L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
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Mac Quinn, averti, n'ayant pas encore de harengs à la baie au Renard où il arrive souvent assez tard, vint avec l'Alpha pour y faire son approvisionnement de «boëtte» pour ses casiers à homards, il en emporta 300 barils, la saison de pêche réclamant 400 barils, les trois quarts furent assurés.
Nous eûmes pendant ce mois la visite de plus de 200 goélettes pêcheuses de la Nouvelle-Écosse qui nous achetèrent notre hareng à raison de 1 dollars le doris, soit 1 dollar le baril (le doris en contenant 10).
La saison de pêche eut été un succès si le plus grand de nos filets n'avait été emporté au large par une baleine qui, entrée dedans, l'emmena hors de la baie.
Le patron pêcheur de St-Pierre, le Gloanec, très intéressé par cette abondance de boëtte à l'île, me demanda si notre intention n'était pas d'organiser la pêche dans l'île.
Je lui dis que c'était bien notre intention de la faire, mais que le meilleur centre pour cela n'était pas Ellis, mais la baie au Renard, car non seulement la boêtte y venait aussi, mais le poisson y abondait.
Il m'exposa que depuis quelque temps, les pêcheurs de St-Pierre ne faisaient plus de bonnes affaires, n'ayant que la morue comme pêche et une longue morte-saison, que le bois était hors de prix, ainsi que tous les combustibles, etc.
Il se faisait fort de nous faire venir pour commencer 40 pêcheurs qui pourraient être doublés ensuite.
Partant à Renard, je lui proposai de venir avec moi, j'avais à faire monter la scierie nouvelle que nous avions décidé d'y construire et je pourrais étudier la question de l'organisation du centre de pêche pendant ce temps.
Nous fîmes le voyage ensemble sur le Savoy et nous y arrivâmes pour trouver la homarderie en pleine activité.
Il fut d'accord qu'il était difficile de trouver un meilleur port pour le but que nous nous proposions.
Toutefois, même pour les débuts, il fut d'avis que l'Alpha ne pouvait nous suffire et qu'il fallait un autre bâtiments avec réfrigération pour le transport du poisson à Gaspé.
D'autre part, il était indispensable avant d'avoir un terrain dans le port de Gaspé.
Nous étions d'accord sur le reste de l'organisation que j'avais préparée. Je proposerais à Menier d'entreprendre cette exploitation.
Le débarquement de la scierie et son installation se faisaient pendant ce temps, et nous pûmes la mettre en marche avant notre départ de Renard.
Les dispositions furent prises pour l'organisation du chantier d'hiver, qui au printemps nous fournirait la planche et le madrier pour toutes les constructions que nous voudrions entreprendre en cet endroit.
En rentrant à Ellis, le patron le Gloanec me recommanda un comptable de St-Pierre, M. Lacroix, pour remplacer M. Brunel qui demandait à rentrer en France.
Il me garantissait sa capacité et son honnêteté.
Il fut convenu qu'il allait me l'envoyer pour que Brunel puisse lui remettre son service, au cas où je le prendrais comme comptable.
Le 1er juin, je partis pour Québec. Je vis Mr. Grogank agent de «l'International Paper Co.» auquel les échantillons de notre bois avaient été soumis.
Il trouvait ce bois excellent, pouvant faire de la pulpe de bonne qualité. La longueur des fibres, dépassait souvent 2 cent, ce qui était beaucoup et l'absence de résine était complète.
Il avait examiné des morceaux de sapin et d'épinette, écorcés, et ne vit aucune différence entre ces deux bois.
Il me proposa de venir à l'île visiter mes forêts et nous ferait ensuite des propositions.
Je fis un arrangement avec M. Thom, un négociant et notre voisin de quai, pour lui donner l'accès à notre appontement lorsque nos navires n'y seraient pas. Il nous donna en échange la jouissance d'un de ses magasins qui était à côté du ponton où nous pourrions mettre nos marchandises.
Avant notre départ de Québec, j'eus une offre d'un M. Anger, marchand de bois, de 7 dollars 25 la corde de bois C.O.D. à Québec.
De retour à l'île le 25 juin, je fis partir le Savoy pour St-Pierre afin de reconduire le Gloanec (dont la goélette avait dû partir pendant que nous étions à Renard et ramener M. Lacroix et 40 ouvriers pour nos chantiers.
Deux jours après, je recevais un câble de Sydney, m'informant que le Savoy était pris dans les glaces au large et que le «Montcalm» le navire du gouvernement était parti à son secours.
Le Savoy fut libéré et je télégraphiai au Ministre de la Marine pour le remercier de l'aide efficace qui nous avait été donnée, grâce à l'initiative du Commandant dudit croiseur.
Quelques jours après, le Savoy était de retour sans avaries avec les 40 hommes de St-Pierre et M. Lacroix qui se mit de suite au travail avec Brunel à la comptabilité.
Il avait été décidé à Paris que M. Malouin viendrait s'installer à Ellis, où nous construisions son habitation.
Nous commencâmes cette maison de suite près de la route conduisant au port, vue sur la mer et à environ 200 mètres de la maison Gamache.
Je lui donnais le nom du «Châlet» et c'était bien le nom qui pouvait lui convenir, étant tout en bois, avec galerie circulaire et balcons extérieurs aux fenêtres.
Je m'étais du reste inspiré pour la construction de l'architecture de la villa.
Tancrède Girard fut seul chargé de son édification.
Depuis le départ de M. Jacquemard, je n'avais jamais eu d'autre que lui pour conduire nos travaux, il comprenait parfaitement mes idées et exécutait ce que je lui demandais certainement aussi bien, sinon mieux que n'importe quel architecte ordinaire.
Sa connaissance approfondie de la construction des navires lui donnait une supériorité incontestable comme charpentier et menuisier pour nos maisons de bois.
Nous commençames les fondations de dix nouvelles maisons pour nos chefs de services et nos principaux employés au bord de la mer entre l'emplacement de l'entrepôt et le Cap Blanc, et nous fîmes une route, pour le desservir, entre elles et le rivage, mais nous nous étions assurés auparavant qu'elle ne pouvait être atteinte par le flot dans les plus hautes marées et même par les plus fortes tempêtes. Ces habitations ne risquaient donc pas d'être inondées.
Avant notre départ pour Jupiter, la maison que devait habiter le docteur Schmitt était presque terminée, Nous commençâmes une route de la ferme St-Georges au lac Plantin, son étendue était d'environ 20 milles jusqu'au lac.
Elle traversait de beaux bois et souvent des savanes marécageuses, amis de bonne terre qu'un drainage pouvait assainir et qu'on pourrait ensuite mette en culture.
Je fus surpris en faisant les explorations et les portages que nécessitaient l'étude du racé de cette route, de la quantité d'ours que nous rencontrions, j'en tuai quelques-uns qui la nuit devenaient un peu gênants et qui le jour, pendant nos absences, entraient dans nos tentes, en faisant le sac et qui ne nous laissaient la place quand nous rentrions qu'avec des grondements peu rassurants, qui exprimaient leur mauvaise humeur d'être dérangés dans leur intéressante occupation.
Toutefois, je les ménageai, car en été leur fourrure était sans valeur et ce n'était guère avant la fin d'octobre que l'on pouvait avoir de belles peaux.
À cette époque, je pourrais les chasser dans de bonnes conditions avec l'aide éclairée du chien «Jack», héritage du Cap. Setter, vieux guerrier tout couvert de blessures glorieuses reçues dans ses combats avec les ours.
Dès qu'il éventait un ours, il s'élançait sur lui sans rien dire jusqu'à ce qu'il l'eut atteint, puis nous signalait où il se retrouvait par des aboiements épouvantables qui ne cessaient plus.
Comme les chiens mâtins le font en France pour le sanglier, il mettait l'ours au ferme ce qui permettait de le rejoindre et naturellement en prenant soin d'être à bon vent et d'éviter le bruit, de le tirer dans de bonnes conditions.
Il était inutile de se dissimuler, l'ours ayant très mauvaise vue.
Nos amis Turgeon, Edouard Garneau, Mr. Gibsone et mon cousin Louis Zédé, arrivèrent le 11 juillet, le docteur Schmitt vint aussi et nous nous rendîmes à la rivière Jupiter où nous restâmes six jours, à la pêche au saumon.
À cinq, nous prîmes 90 poissons, le plus gros pesant 27 livres le poids moyen étant de 13 livres.
J'avais demandé au docteur d'emporter son microscope pour étudier la question de la non-nutrition du saumon dans les rivières.
Rien n'avait encore été trouvé de satisfaisant pour en donner la raison.
Schmitt était d'avis qu'il fallait d'abord faire l'examen microscopique de l'estomac du saumon pour voir ce qu'il pouvait contenir.
La quantité que nous en prenions facilita ses recherches.
Aussitôt pris, le saumon lui était amené, il en prenait l'estomac, l'ouvrait et en faisait l'examen.
Le résultat fut que tous les estomacs qu'il vit ne contenaient aucune véritable nourriture, mais une sorte de mucilage se composant de sérum d'insectes, de sang, d'abluminoïdes qui appartenaient à des insectes et ne pouvaient se trouver dans l'estomac des saumons que par suite d'une véritable succion faite par eux sur les mouches, phalènes ou papillons qu'ils avaient pris.
Les saumons conservaient donc leur vie non pas en mangeant, mais en se nourrissant d'un extrait d'insectes, sorte de bouillon nutritif, qui suffisait à leur entretien.
Cette explication nous parut plausible.
Tout pêcheur sait en effet que lorsqu'un saumon prend une mouche au bout de la ligne, il ne doit pas attendre pour ferrer, sans cela le poisson rejette la mouche qu'il ne garde jamais dans sa bouche plus de quatre à cinq secondes, évidemment le temps de la sucer.
Nous fîmes fête à l'honorable Turgeon qui nous annonça qu'il avait obtenu pour nous du Gouvernement, le lot en eau profonde de la baie au Renard. Il fut décidé que le lac qui s'y trouvait, porterait désormais le nom de lac Turgeon.
Rentré à Port-Menier après le départ de nos amis, je fis commencer la construction d'un deuxième entrepôt qui s'appela, entrepôt no 2.
Il était situé à côté du no. 1 séparé simplement de lui par la route du tour de la place.
Il servirait à l'emmagasinement des grosses marchandises, telles que le sel, le lard, le boeuf salé, les beans, le pétrole, etc.
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