L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé, tome 2 |
Pages | 17 | |||||||||||||||||||
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 |
22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 32 | 33 | 34 | 35 | 36 | 37 | 38 | 39 | 40 | 41 | 42 |
J'eus l'idée de m'y prendre différemment et plus économiquement, en y mettant le feu. Cela était délicat, ces camps n'étant qu'à 60 mètres de notre habitation.
Je m'assurai que les assurances étaient en règle et je fis remplir entièrement les grands réservoirs d'eau de la villa, je fis disposer les hausses aux diverses bouches d'incendie, prêtes à être utilisées, plusieurs tonnes pleines d'eau furent également mises près de la maison ainsi que la pompe à incendie, et je convins avec les pompiers qu'ils se tiendraient prêt à partir au premier coup de téléphone de ma part.
Restait à trouver le vent favorable, le nord-ouest qui heureusement était fréquent et portait au large dans la direction opposée à celle de la ville.
Le 21 juin de bonne heure, m'étant levé pour voir le temps, le constatai qu'il était clair que le vent frais qui soufflait nettement du nord-ouest.
J'allai autour du camp vérifier exactement sur place comment il se comportait, étant sûr d'avoir au moins une heure de ce vent, ce qui était plus qu'il ne fallait.
Je repartis à notre demeure et téléphonai au poste de police pour alerter les pompiers et l'équipe Bitner.
Je pris un bidon de pétrole et au moyen d'une échelle que je portais d'un endroit à l'autre, j'arrosai tous les murs faisant face à la villa avec du liquide, puis les hommes arrivés, je mis le feu qui instantanément gagna toutes les bâtisses et s'éleva avec une fumée noire à une grande hauteur.
Nous n'eûmes pas à intervenir, le brasier nous tint à l'écart à plus de 30 mètres et nous avions l'impression qu'il n'aurait pas fallu que ces bâtiments fussent à une moindre distance de la villa.
Au bout d'une heure, nous noyions les décombres, tout danger était écarté et la question de la démolition des camps réglés de la façon la plus économique.
Nos amis l'honorable Turgeon et son secrétaire, M. Lemieux, M. Édouard Garneau, le Colonel Wilson, arrivèrent par le Savoy et le 2 juillet, nos partîmes pour la pêche du saumon à Jupiter.
Nous y restâmes 6 jours, pendant lesquels nous prîmes 73 saumons, les plus gros étant de 25 lbs 1/2. Je fis construire un camp aux 6 milles où nous arrêtions à l'aller comme au retour, ce qui fut une amélioration notable.
Nous projetâmes d'en faire aussi un aux 30 milles, qui était un excellent pool.
De retour à Ellis, le 11 juillet, je m'occupai de faire le montage du phare près de la villa, celui du port étant terminé.
Un navire, le «Sevona», vint à terre à Chaloupe-Creek, mais put se déséchouer par ses propres moyens.
Le 25 juillet, le croiseur français le «Chasseloup Laubat». L'amiral Rouyer, vint nous rendre visite ayant à bord, mon cousin le lieutenant de vaisseau Paul Zédé et les officiers de l'État-Major: MM. de Marquessac, Douget, le Marois, Meslety, La Vergne, Charbonneau, Bigeard, Havette et Legendre.
Le navire perdit un ancre en mouillant au large de l'entrée de la baie Ellis que je pus retrouver avec le Savoy, une bouée ayant été frappée dessus.
Le «Chasseloup Laubat» resta six jours avec nous et donna une fête à la population.
Nous reçûmes les Officiers à la villa où une soirée fut donnée avec le concours de la musique militaire.
L'équipage approvisionna le bord avec quantité de homards et de morue fraiche, et les Officiers tuèrent plusieurs cerfs, beaucoup de canards sauvages, sans compter les pêches abondantes de truites, qui vinrent varier leurs menus.
L'amiral Rouyer, enchanté de la réception qu'il avait trouvée, m'assura au départ qu'il ferait un rapport en rentrant à la Marine, et qu'il insisterait pour que chaque année un des navires de la station de Terre-Neuve vint nous rendre visite.
Le 31 juillet, le navire du gouvernement le «Montcalm», vint mouiller à Ellis, ayant à bord le Ministre de la Marine en intérim, l'honorable Brodeur avec sa famille, le Colonel Gourdeau et Mr. Allan.
Je les reçus tous à la villa où ils restèrent deux jours, visitèrent nos travaux et repartirent très satisfaits de leur séjour.
Le 5 août, visite du «Montcalm» avec le Gouverneur Général, lady Grey, lord et lady Howick et leur fils, lady Sybil, lady Evelynm et le Capitaine Trotter.
Ils vinrent à la villa et repartirent le soir même.
Le 11 août, le phare de la villa était terminé, la lanterne et la girouette posées.
Entretemps, je fis deux séjours à Québec, où je fus reçu par Mrs Arthur Price, Mr et Mrs Mac Pherson, Mr. Lanctôt, Mr Mackintosh, le Shérif Langelier.
L'honorable Turgeon m'annonça que nous avions obtenu la concession de la baie au Renard, ce qui nous rendait propriétaires de toutes les baies importantes de l'île.
La marine allait faire les essais du téléphone par câble de Gaspé et étudiait l'envoi, cet hiver, d'un navire du gouvernement à l'île.
Mr. Gregory mit à ma disposition une bouée lumineuse et à cloche, pour l'entrée de la baie Ellis, qui nous serait très utile par temps de brume
Le 4 octobre, je pris la «Lorraine» à New-York et étais au Havre le 10.
Aussitôt à Paris, je fis mon rapport à Menier sur tout ce que nous avions fait depuis mon départ et lui soumis le projet fait par Myard et Livrelli de l'usine à ciment.
Il ne crut pas devoir y donner suite, trouvant que nous avions trop à faire encore pour entreprendre cette exploitation qui nécessiterait d'importants capitaux.
Myard et Livrelli m'avaient prévenu qu'ils ne pourraient rester à l'île si leur projet n'était pas accepté, n'ayant pas - surtout pendant l'hiver - suffisamment de quoi s'occuper.
Comme M. Myard m'avait prévenu avant mon départ départ de ses intentions, j'avais pris mes précautions au cas où il nous quitterait.
J'avais pressenti M. Alfred Malouin, qui me semblait l'homme capable de le remplacer et j'avais eu son consentement le cas échéant.
Aussi, quand je câblai à Myard ce qui avait été décidé, son départ s'ensuivit et par un autre télégramme, j'avais l'acceptation de M. Malouin que son fils allait remplacer comme gardien du phare de la Pointe Ouest.
Menier ayant approuvé le choix que j'avais fait, M. Alfred Malouin fut mis comme sous-directeur au départ de Myard et de Livrelli et les remplaça immédiatement au milieu de novembre.
Pour la question du bois nous eûmes à ce sujet, des conversations avec M. Pierredon de la maison Darblay, mais ne pûmes les intéresser à cette exploitation.
Ils nous conseillèrent de continuer ce que nous avions fait en vendant du bois de pulpe et d'avoir des écorceurs pour le livrer sans écorce et le faire connaître.
Dans la suite, peut-être y aurait-il quelque chose à faire, mais en tout cas ce commerce ne pouvait être fait qu'avec l'Amérique, le bois n'ayant pas assez de valeur pour être acheté en France.
L'Idée de Menier était que nous devions, maintenant que notre organisation était faite, procéder à des expériences pendant un certain laps de temps, avant de faire l'exploitation des ressources de l'île.
Rien ne pressait, beaucoup était à faire dans cet ordre d'idées, quantité de débouchés s'offraient à nous dont une étude approfondie nous montrerait l'utilité ou le manque d'intérêt selon les circonstance.
J'étais entièrement d'accord avec lui et avais justement pensé que Malouin serait l'homme connaissant les habitudes canadiennes et ayant une grande connaissance du pays, il pourrait nous aider dans cette voie.
Je lui écrivis en conséquence. Nous allions intensifier la vente du bois de pulpe, le prix de 7 dollars la corde qu'on nous offrait pourrait sans doute être augmenté, notre bois étant mieux connu.
Nous nous mettrions en rapport avec des fabricants de pulpe au Canada que nous connaissions par nos amis les Price Brothers, les grands fabricants de papier, afin qu'ils fassent des essais de la qualité de notre bois que nous avions tout lieu de croire excellente.
Pour cela, nous allions commencer l'écorçage mécanique.
Nous débuterions avec un écorceur, quitte à en augmenter le nombre selon les besoins.
Nous ferions des essais de vente du homard cuit et réfrigéré, comme celui qu'on vendait beaucoup à Montréal.
Pour cela, nous mettrions un réfrigérateur sur le Savoy que nous pourrions aussi utiliser pour la vente du saumon frais.
Nous allions étudier la possibilité d'acquérir un terrain à Gaspé pour y faire un autre réfrigérateur et notre centre de pêche, d'où nos produits pourraient être transportés aux États-Unis, aussitôt que le chemin de fer dont les travaux avançaient serait achevé.
Il y avait aussi à étudier la possibilité de louer nos rivières à saumon pour le sport.
Pour cela, il faudrait construire aux embouchures, des bungalow pratiques et avoir un bâtiment d'un très faible tirant d'eau, mais suffisamment confortable, afin de pouvoir conduire aux dites rivières et les y approvisionner leurs locataires éventuels.
De plus, on aménagerait ce bateau pour le transport à la baie Ellis du poisson et des fournitures, et le ravitaillement de nos gardes autour de l'île.
Nous allions augmenter le nombre de nos trappeurs dont les captures d'animaux à fourrures nous donnaient déjà de sérieux bénéfices.
Nos allions faire une étude pour organiser la baie au Renard qui était un port admirablement bien situé pour devenir un grand centre de pêche.
Nous pourrions faire venir des pêcheurs, soit de Terre-neuve, où des îles de la Madeleine, soit même de St-Pierre et Miquelon, îles dans lesquelles les conditions d'existence ne valait pas celles qu'on avait à Anticosti.
Quantité d'offres m'étaient parvenues déjà de différents endroits. Nous pourrions leur faire des conditions avantageuses, pour eux et leurs familles.
Une scierie devait être d'abord construite pour avoir sur place le bois nécessaire à la construction des maisons qu'ils habiteraient, et pour lesquelles nous leur ferions un prix très bas de location.
La boëtte leur serait vendue par nos pêcheurs également un prix très abordable et ne manquerait jamais.
Toute leur pêche serait achetée par nous à un prix convenu en leur garantissant de la prendre en totalité.
Les hommes pendant l'hiver pourraient être employés à la coupe du bois, aux ateliers, pour l'entretien des agrès de pêche et des embarcations, les femmes et les enfants même trouveraient du travail à la homarderie.
Notre bâtiment «l'Alpha» qui était inutilisé en dehors de la saison de la pêche au homard aurait son emploi pendant toute la période de la navigation, pour les transports de poisson à Gaspé, et des marchandises nécessaires à la vie de ce centre.
Pages | 17 | |||||||||||||||||||
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 |
22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 32 | 33 | 34 | 35 | 36 | 37 | 38 | 39 | 40 | 41 | 42 |