LOUIS JOLLIET
Il semble que le premier établissement de Louis Joliet, premier propriétaire de l'lIe ait été à la baie Gamache, élevé à environ deux arpents à l'est de la rivière aux Chaloupes. En 1900, on y fit la découverte d'un vieux four à chaux en ruine, tout couvert de mousse.
Cet établissement avait été détruit par l'amiral Phipps. On a donné le nom de Jolliet à une petite ville près de Chicago, en souvenir de ce grand explorateur et à une montagne sur les bords de la rivière des Plaines, l'un des affluents de l'Illinois.
Une petite anse au pied du cap ouest à Saint-Joseph de Lévis porte encore son nom, parce que c'est là qu'il mettait ses vaisseaux chaque fois qu'il venait à la Pointe de Lévy, chez son beau-père, François Bissot.
Une pointe située à deux milles à l'ouest de la rivière Moisie, où il avait un établissement de pêche, porte encore son nom.
Barthélemi Jolliet, fondateur de la ville de Joliette, mort en 1850, est descendant à la 5e génération d'Adrien Jolliet, frère du premier seigneur de l'île d'Anticosti.
Louis Jolliet mourut sur une des îles du bas du fleuve Saint-Laurent, à une date non précise et dans des circonstances dont personne, de nos jours, n'a pu pénétrer le mystère.
On le croit inhumé au pied du cap appelé Gros-Mécatina où se trouve un très ancien cimetière, dans lequel repose un grand nombre de personnes. Ce cimetière date des premiers temps de la colonie.
Le titre d'érection et de concession du fief et seigneurie de l'île d'Anticosti a été émis au mois de mars 1680, en faveur de Louis Jolliet, par l'intendant Duchesneau, sous le gouvernement de Monsieur Frontenac "pour y faire des établissements de pêche de morue verte et sèche, huiles de loups- marins et baleines, et par ce moyen commercer en ce pays et dans les îles d'Amérique.
Par un acte daté du 12 avril 1725, soit vingt-cinq ans après la mort de Louis Jolliet, l'Ile d'Anticosti fut divisée en parties égales entre trois de ses enfants. Il parait qu'à partir de cette date, la question des propriétaires de l'île devint fort compliquée.
Le 18 mai 1778, par saisie, à la poursuite des héritiers de Joseph Fleury de la Gorgendière, contre les héritiers de Charles Jolliett d'Anticosti et Jean Lemelin, les neuf vingtièmes du fiel et seigneurie de L'île furent vendus à William Grant, époux de Dame Catherine Fleury de la Gorgendière.
M. William Grant, par un acte du 17 novembre 1779, fait encore l'acquisition d'autres parties indivises de l'île appartenant aux enfants de Joseph Fleury de la Gorgendière et de Claire Jolliet.
Le 28 mai 1781, dans un acte de foi et hommage, les sieurs Nicolas, Joseph et François de la Fontaine de Belcourt, François Cugnet, William Grant, Thomas Dunn, Louis Jolliet et Bissot de la Rivière sont reconnus être seigneurs et propriétaires de l'île d'Anticosti et des îles et îlets Mingan.
À partir de 1801, aucun nom français n’apparaît comme propriétaire de l'île. La moitié du fiel d'Anticosti appartenant à la succession de William Grant, fut vendue par le shérif de Québec le 30 juillet 1808 et adjugé à Patrick Logan pour la somme de $175,000.
Le Gouverneur Craig (1801...) et la compagnie Forsyth (1874) tentent de coloniser l'île d'Anticosti
C'est vers cette époque que l'on doit placer les essais infructueux du Gouverneur Craig de coloniser l'le d'Anticosti.
L'autre partie changea de propriétaire à plusieurs reprises. En 1874, on essaya encore de fonder une colonie permanente sur l'île. Pour cette fin, on fit venir plusieurs familles de pêcheurs de Terre-Neuve attirées par d’alléchantes promesses de la Compagnie Forsyth, sous la conduite d'un aventurier.
Il ne s'agissait ni plus ni moins que de fonder une vaste colonie et de changer la face de l’île. On devait construire des chemins de fer, y créer des magasins et y faire la culture et la pêche sur une grande échelle. Ceux qui vinrent ainsi s'y installer reçurent des avances devant être remboursées en produits de pêche.
Malheureusement, cette compagnie qui promettait tant n'eut qu'un règne éphémère, car dès l'automne de la même année, elle n'était déjà plus en état de fournir des provisions aux nombreuses familles qui dépendaient d'elle.
La conséquence fut que le gouvernement fut obligé de venir au secours de ces pauvres malheureux pour les empêcher de mourir de faim. Il leur distribua de la farine et d'autres provisions. L'automne suivant les surprit encore dans le même état, n'ayant rien pour affronter les rigueurs d'un long hiver de six mois.
Le département de la Marine et des Pêcheries à Québec fut chargé de se rendre sur les lieux, de s'enquérir des besoins de chacun et de faire la distribution. Il donna à chaque famille trois quarts de pommes de terre et autres provisions nécessaires.
Il eut l'heureuse idée de confier en mains sûres une certaine quantité de ce tubercule pour la semence du printemps suivant et, deux ans plus tard, les pommes de terre étaient en telle quantité sur l'île, qu'il en fut exporté une charge de goélette sur le marché.
La compagnie Forsyth fit de grandes dépenses sans aucun succès, trompée comme elle fut par ses agents d'Angleterre.
M. Faucher de St-Maurice, dans une de ses croisières au golfe St-Laurent, visita les hangars de la compagnie à la baie des Anglais, aujourd'hui Baie Ste-Claire, où on aurait voulu commencer les premiers défrichements.
Dans les hangars, on voyait non pas des pelles, des charrues, des vivres, etc., mais on voyait pour des milliers de piastres de chevilles de fer pour les bottes, des masses, des enclumes, des perches de lignes superbes, des marchepieds de carrosses, des poignées de cercueils, une imprimerie, bric-à-brac impossible envoyé d'Angleterre par des gens qui avaient trompé la compagnie et qu'il fallut vendre plus tard à des prix infimes.
Au milieu de cette pacotille impossible pendant que dans les vitrines s'étalaient des selles anglaises, etc., on avait oublié le nécessaire. Cette tentative de colonisation prit fin en 1874.
1874 à 1895, plusieurs transactions sur la propriété d'Anticosti
Après les essais infructueux de la compagnie Forsyth, il y eut encore plusieurs autres mutations, lorsqu'en 1884, l'ile d'Anticosti fut vendue par licitation à M. T.W. Stockwell. En 1888, elle fut revendue à une société connue sous le nom "The Governor and Company of the Island of Anticosti".
Enfin, le 16 décembre 1895, le liquidateur de la susdite compagnie vendait toute l'îIe d'Anticosti à M. Henri Menier pour la somme de $125,000.
Ce n'est qu'en 1806 que le gouvernement installa des dépôts à provisions sur l'îIe. L'un à la rivière Jupiter et l'autre à Belle-Baie, aujourd'hui nommée "Fox Bay."
Le massacre de l'île d'Anticosti
À ce dernier endroit, un drame terrible s'y déroulait au printemps de 1829, appelé le massacre de l'îIe d'Anticosti.
Cette sanglante tragédie eut lieu entre les hommes de l'équipage du GRANICUS, bâtiment à voiles qui se brisa sur les récifs de la pointe est de l'îIe en novembre 1828.
Voici ce qui fut raconté un jour à M. Placide Vigneau, gardien du phare à l'île aux Perroquets, une des îIes de Mingan, par le capitaine Basile Giasson, des îIes de la Madeleine.
M. Placide Vigneau qui tenait au jour le jour depuis de longues années un journal des faits les plus importants avait consigné dans ses notes le récit de ce massacre, tel que raconté par M. Basile Giasson.
«Le 8 mai 1829, arrivé à la hauteur du havre d'Anticosti (Belle-Baie), le vent nous étant contraire et notre provision d'eau épuisée, je décidai d'y mouiller pour la nuit. En entrant dans le havre, nous aperçûmes une chaloupe à haute marée, et qui semblait être là depuis peu de temps.
C'est ce que nous fîmes en quelques minutes en sautant dans mon canot pour aller constater ce qui en était. Arrivés sur la plage, notre premier soin fut de visiter la chaloupe; elle contenait quelques effets dispersés çà et là.
Là sur les bancs, et les avirons étaient ensemble à cinq ou six pas de la haute marée. Ne voyant personne, nous nous mîmes à crier et à appeler, mais aucune réponse ne nous fut donnée; un silence de mort semblait régner dans cette solitude.
La peur nous prit, et nous retournâmes à bord pour nous armer de deux bons fusils et pour nous assurer ensuite s'il y avait bien à cet endroit quelques êtres vivants.
À notre retour, à une vingtaine de pas de la hutte, le premier objet qui frappa nos regards fut une robe de soie qui avait évidemment appartenu à une femme, et tout auprès un habillement d'enfant d'environ un an.
Je pris les deux robes et je les examinai avec soin. Elles étaient couvertes de taches de sang et percées de trois coups de couteau sur le corsage dans la région du cœur.
La peur s'empara à nouveau de nous, parce que nous fûmes sous l'impression que des meurtriers étaient cachés non loin de là dans la forêt et nous fûmes sur le point de retourner à notre bord.
M. Jacques Bourgeois qui était avec nous et qui n'avait pas froid aux yeux, nous dit sur un ton bien décidé qu'il fallait continuer nos recherches, que nous étions bien armés et que personne n'aurait le temps de nous attaquer sans recevoir du plomb dans les jambes.
Son avis fut suivi et nous nous décidâmes à pénétrer dans la hutte. Pour y entrer, il fallait passer par un bas-côté.
À peine eûmes-nous ouvert la porte qu'un bien triste spectacle frappa nos yeux. Des débris de cœurs, de boyaux, de fessures, etc., gisaient sur le plancher, et accrochés au plafond, six cadavres éventrés, la tête coupée ainsi que les jambes et les bras, à la jointure du coude et des genoux, et un bout de bois tenait les cuisses ouvertes.
Je n'oublierai jamais la profonde horreur qui s'empara de nous tous, lorsque nous reconnûmes que c'étaient bien des être humains qui avaient été massacrés. Nos cheveux se hérissèrent et notre courage voulait nous abandonner malgré nous à la vue d'une telle horreur.
Ce qui nous parut étrange, c'est que tous ces cadavres avaient une tranche de chair d'enlevée sur la cuisse, de sept à huit pouces carrés.
D'après ce que nous venions de constater, il était facile de conclure que de malheureux naufragés avaient épuisé leurs vivres, que la faim avait déterminé les plus forts à sacrifier les plus faibles. Il s'agissait alors de savoir où étaient les survivants.