Le Soleil, 11 juillet 1899 |
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Retour d'Anticosti
par Ulric Barthe
Les journalistes de Québec, Montréal, Lévis et Sherbrooke qui sont allés visiter l’île d’Anticosti, sont revenus cet après-midi de leur très intéressante course dans le golfe.
Votre représentant nous dit qu’il aurait un volume à écrire sur les choses merveilleuses qu’il a vues, mais que le lecteur ne s’en effraie point : ce sera l’affaire d’un chapitre pour notre prochain chapitre.
La colonie Menier de la baie Ste-Claire ou English Bay, est une féérie. Ses constructions peintes en couleurs chocolat et orange, symétriquement rangées, le long des rues bien alignées, sont apparues aux yeux de nos voyageurs comme un groupe de bonbonnières.
On y compte déjà plus de cinquante bâtiments : magasins, entrepôts, scierie, hôpital, route macadamisée de 8 ½ milles qui relie la baie Ste-Claire à la baie Ellis ou Gamache, et qu’on franchit en 45 minutes au grand trot des magnifiques chevaux de l’établissement.
On dessèche en ce moment trois lacs et les marais voisins au moyen de canaux d’irrigation, et l’on aura ainsi de coup de vastes superficies arables.
Le prochain coup de baguette sera la transformation de la baie Ellis en port de mer abordable pour vaisseaux de grand tonnage.
Tout cela est un rêve de Crésus, mais un rêve effacé. Les vieilles légendes sont crevées.
Anticosti n’est plus l’île inabordable et repoussante dont nos grands-pères s’entretenaient en frissonnant au coin du feu.
C’est une province plus grande que l’Île-du-Prince-Édouard, couverte de bois, de rivières et de lacs.
On n’a plus devant soi une simple excentricité de millionnaire, un joujou de nabab.
Nos confrères reviennent convaincus qu’il y a là une idée éminemment pratique et profitable.
Avec de l’argent, on fait de l’argent et l’immense territoire d’Anticosti vaut assurément les frais d’installation qu’y fait M. Menier, c’est sans doute ce dont conviendront nos hommes d’affaires qui, à première vue doutaient un peu de la valeur pratique de l’entreprise, lorsqu’ils auront pris connaissance des nombreux renseignements recueillis sur place par les représentants de la presse.
L’administration de l’île avait gracieusement mis son steamer, le «Savoy» à la disposition de ceux-ci pour leur croisière de quatre jours entre Rimouski et Anticosti; et ils sont revenus à Québec par un des nouveaux trains vestibule du chemin de fer du gouvernement qui font vraiment honneur au pays. Ulric Barthe |